Journalistes et médias dans les filets de l’instituteur fabulateur d’Aubervilliers

Salah Ben Omrane 15 décembre 2015 17:15

 Pinocchio Le parquet de Bobigny a annoncé ce matin que l’instituteur fabulateur sur son agression à Aubervilliers a été hospitalisé d’office à l’issue de sa garde à vue. Il a été décelé chez lui, aux premiers examens psychiatriques, « une altération de son discernement » et « une incompatibilité de son état de santé avec une mesure de garde à vue, levée ce mardi matin. « 

 Or la presse dans sa majorité, qui hier matin s’est emballée en relatant l’évènement de la prétendue agression, elle n’avait pas pris ses gardes en rapportant les déclarations matinales de l’instituteur qui ont secoué toutes les rédactions. Le virage constaté de la presse, en si peu temps, dès que les instances judiciaires lui ont appris que l’instituteur racontait des mensonges, est peut-être amusant mais il est également inquiétant.

S’excuser après s’être roulée dans la farine pendant quelques heures, n’y comptons pas! À vrai dire, ce n’est pas ce qui est attendu de sa part.  Mais poursuivre, sans revenir sur ses propres dires, commentaires et présentation de l’évènement de la supercherie, le tout greffé à des convictions douteuses, difficilement tenables et faire  comme si c’était normal de mentir, que l’outrance et le mensonge font partie de l’acte d’informer,  il y a lieu de faire une petite halte en s’y penchant dessus.

 Pas de méa culpa! Elle s’est contentée d’ajouter une information supplémentaire que l’instituteur avait menti. Pas un mot sur son propre comportement vis-à-vis de l’évènement. Pas de rétractation sur son brodage et tissage sur ce qui lui semblait, encore il y a 24 heures, important à dire et à rappeler en guise d’alerte fondée sur le fait d' »une attaque terroriste » dans un établissement scolaire était dirigée contre un enseignant. Il est question même d’un « lâche attentat » sur certains sites qui ne mâchent pas leurs mots.

 Un petit rappel des faits pour ceux qui étaient à l’abri de la saillie médiatique et qui n’ont pas suivi l’affaire. C’était une journée agitée dans cette localité, hier tôt le matin, qui correspond au lendemain des résultats des élections cantonales. Un instituteur d’une école maternelle « Jean Perrin » de la banlieue parisienne, affirmait, qu’à 7H10, pendant qu’il se trouvait seul dans sa classe en préparation de sa journée pour ses élèves, un homme a surgi, se revendiquant de l’État islamique et l’avait agressé.

 Il avait soutenu, dans un premier temps aux enquêteurs, saisis de l’affaire (le parquet de Bobigny, la section antiterroriste de la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne), que son agresseur portait « une tenue de peintre, avait des gants, cagoulé et ayant des chaussures militaires de type rangers. « Il disait que son agresseur « s’est emparé d’un cutter et d’une paire de ciseaux qui se trouvaient dans sa classe » en lui assénant un coup à la gorge et au flanc tout en criant «C’est Daech, c’est un avertissement » ajoutant « qu’ensuite il a pris la fuite. » Le matin même, une enquête avait été ouverte pour «tentative d’assassinat sur un enseignant en relation avec une entreprise terroriste». Dans la journée, les investigations ont amené les enquêteurs vers la conclusion que l’enseignant avait tout inventé et qu’il est lui-même l’auteur des coups portés sur son corps.

 Fausse agression, fabulation, faux témoignage, fausse alerte, Sauf qu’il est trop tard pour arrêter la machine médiatique, qui s’est encore une fois, pliée sans rechigner devant le sensationnalisme. Radios, télés et journaux, se sont vite emparés de l’évènement sans précautions ni le moindre soupçon que l’instituteur pouvait raconter des mensonges. Tous ceux qui ont relaté l’évènement, sont tombés dans le panneau, bille devant.

 Même les pages que Google vous sort en premier, lorsque l’envie vous prend d’en connaître davantage sur ce qui capte votre attention, ont fait preuve d’un manque flagrant de discernement dans la transmission de la nouvelle. Le conditionnel dans les phrases qui relatent les faits prétendus par l’enseignant, a été ignoré et proscrit.  Les déclarations de l’enseignant ont été relayées par les médias et prises pour argent comptant. Pas la moindre trace dans les médias qui pourrait orienter le lecteur ou l’auditeur afin qu’il appréhende l’information, le témoignage de la prétendue victime avec pincettes ou une piste à susciter le doute. Aux premières du matin, la presse parlait d’enseignant dans une école à Aubervilliers. Sitôt que l’information, qu’il a menti, a circulé, la même presse, parle d’un instituteur à Aubervilliers. En quelques heures, il a perdu ses qualités d’enseignant, il n’est plus Professeur comme certains l’ont désigné, pour descendre en grade et devenir tout simplement un Instituteur. le supposé « Cutter« , miraculeusement s’est transformé et par magie en « couteau » avant la perte de son statut d’enseignant. Bref, pour voir l’artillerie lourde de la presse qui ne s’est pas privée de placer l’affaire dans une dimension internationale du terrorisme et ses ramifications, sans perdre une miette, il fallait se lever tôt pour saisir ses talents avant le remballage au cours de la même journée.

 À profusion, on lit les formulations magiques et de circonstance toutes faites du genre « le pronostic vital de le victime n’est pas engagé ». Nombreux ceux qui itèrent « que des récentes menaces proférées par l’État islamique contre l’Éducation nationale‘. On lit également sur les sites de la presse qu’ « une revue francophone de propagande de Daech, Dar al Islam, s’en prenait à la laïcité à la française et menaçait les enseignants du pays. »

 Il y a 11 ans, au Commissariat de la même ville Aubervilliers, une certaine jeune femme de 23 ans s’est présentée en portant plainte et en affirmant qu’elle venait de subir une agression à caractère antisémite, dans la ligne D du RER. Une affaire qui à l’époque avait secoué en son temps les tripes des responsables politiques et les médias qui se sont exprimés dans déluge d’indignations avant d’apprendre quelques jours plus tard que tout était une fabulation.

 Aujourd’hui encore, la presse s’est fourvoyée sans prudence (Voir exemples ici et ) . Si la plupart ds dépêches sur site ont maintenu leurs articles sur l’affaire, le Monde a préféré fermer tout simplement sa première version qui a relaté l’évènement. En ouvrant le portail on trouve ceci : »La page demandée n’est malheureusement pas disponible« . Sage décision. Mieux vaux cacher à l’abri des regards ou sous le tapis la poussière. Une large partie de la presse sur site, a repris respectivement chacune son article diffusé lundi matin en modifiant (la mention modifé est lisible) son contenu, voire le titre également, dès que la nouvelle du témoignage est tombée.

 L’affaire de l’instituteur d’Aubervilliers ne sera pas la dernière certes, en exemple illustratif du dérapage médiatique et d’emballement, mais elle laisse néanmoins dubitatif sur le prétendu sérieux auquel elle jure s’y tenir. Il en résulte, le fait que la presse et les médias se trompent et n’ont pas froid aux yeux quand il y a tromperie. Les râteaux? Pas de problème ! Un jour avec le stock, ils pourront servir pour constituer un stock d’une quincaillerie de jardinage.   Est-ce un  manque de sérieux? manque professionnalisme? Absence de scrupule? Peu de respect pour le métier de journaliste? Manque de respect pour les auditeurs et les lecteurs qui ne désirent que simplement ‘être informés? C’est quoi le problème, on pourrait me répondre puisque c’est ainsi que ça toujours ainsi. À quoi bon toucher au sanctuaire des fabulateurs?

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