Salah Ben Omrane le 05/08/2025
La Députée Majda Ouergui lors de son intervention, il y a six jours, à-propos des difficultés rencontrées dans des lieux culturels en Tunisie, a dénoncé (voir à la 18ème minute de la vidéo) ce mal persistant qui concerne la pression que subissent les festivals pour délivrer des entrées gratuites aux spectacles sous forme d’invitations dont certains politiques en raffolent et réclament tel un privilège qui leur reviendrait de droit.
Bravo à la Députée Majda Ouergui pour son rappel à l’ordre et à l’éthique face à cette tendance chez des politiques à vouloir assister aux spectacles avec une pingrerie éhontée.
À propos de ce fléeau qui ne date pas d’aujourd’hui, ici, nous avons narré dans un billet à ce sujet, il y a 10 ans, comment un Député nahdaoui s’était illustré par son intervention dans l’hémicycle, réclamant le droit d’enter gratuitement à toutes les manifestations culturelles. On a ainsi la preuve que les mauvaises habitudes ont la peau dure.
» La concurrence entre festivals d’été réserve des surprises.
Le coup de butoir ne vient pas d’une administration de la culture. Il provient d’un député de l’Assemblée des Représentants du Peuple dont il est l’illustre auteur !
À rappeler à cette occasion que cette respectable institution, mère de toute la législation, est attendue principalement par les citoyens qu’elle leur rende la vie moins éprouvante, plus agréable, moins injuste et plus équitable en fabriquant des lois.
Après tout, voir la famille des artistes s’agrandir, n’est qu’une bonne nouvelle. Encore mieux si des députés, déjà réputés pourvoyeurs de codes législatifs au sein de l’assemblée, parviennent à nous surprendre en nous montrant de quoi ils sont capables dans l’univers des codes du spectacle et ceux de la création artistique.
Pour nous surprendre, il y a un député qui nous a en effet surpris par son intervention dans l’assemblée. Mais la surprise s’arrête là.
Ce député d’Ennahda, Mohamed Mahjoub, lors de la plénière du lundi 3 août à l’assemblée s’est lancé dans des précisions : il a défini ce « qu’est et ce que n’est pas la culture en Tunisie ». Vaste programme ! Il a rappelé, en préambule à sa demande, ce qu’est la mission des artistes avant de clore son intervention, en s’adressant au ministre de la Culture lui demandant de faire le nécessaire pour que tous les députés puissent avoir le droit d’assister à tous les spectacles de tous les festivals en Tunisie, par la force si nécessaire et sur une simple présentation de leur carte de député.
Le texte en arabe que j’ai transcrit de son intervention à la radio Shems FM (Le surlignage est de mon fait) :
[المشكـــــلة الآن أنُّو أحنا كقطـــــاع الثقافة مازلنا نتعاملو معاه وهو مازال للترفيه ، للترويـــــح على النفس، في بعض الأحيان للتخميـــــر، ماهوش مجال نعتمدُوه كرافد من روافد التنمية ، ويدعم بصفة عامة مقومات التنميـــــة الشّاملة و يدعم مقوّمات الدستور و يدعم هويّة البلاد و يدعم شُعـــــلة الثورة .
و رسالة موجّهة لوزيـــــر الثقافة أنّو دعم الثقافة الوطنيّة و خاصة الثقافة إلّي تِبني الشخصيّة الوطنيّـــــة و الي خاصة تبني مقوّمات و تُحافظ على الإرث وتُحافظ على الهويّـــــة و تُحافظ على أهداف الثـــــورة.
أحنـــــا كنُـــــوّاب مهتمّين بهذا المجـــــال الثقافي ولِما لا أنّو تقُوم بلفتـــــة كلِيـــــمة للنُوّاب للإهتمام و لدفـــــع و خاصّة أنُّو هالمجال الثقافي في حاجة حتى إلى حُضـــــور عديد من رُموز هذه البـــــلاد .
مافِيها باس أنُّـــــوالنُوّاب يُمكّنـــــون من مُشاهـــــدة و مُتابـــــعة كُلّ الأنشِطة الثقافية في البلاد. مايُقعدش يستنّـــــى في أنفٍيتسيُـــــون من عند المُعتمـــــد ولّا أنفٍيتسيُون من عند لجنـــــة التنظيـــــم . لِما لا أنُّو نحنــــــــــا ببطاقة النائـــــب متاعنـــــــــــــــا يكُون لينا الفرصة باش يكُون عنّـــــا النّفاذ لكُلّ المهرجانـــــات.]
Traduction de l’intervention du député:
[Le problème maintenant, est que nous, en tant que secteur de la culture, qu’on continue de réagir avec, alors qu’il est encore pour le divertissement, pour égayer l’âme, et parfois pour la transe.
Il n’est pas un domaine sur lequel on peut compter, en tant qu’élément parmi les éléments du développement. Il soutient, de manière générale, le développement global. soutient les éléments de la constitution, soutient l’identité du pays, et il soutient la flamme de la révolution.
C’est une lettre adressée au ministre de la Culture, est que le soutien de la culture nationale, en particulier, la culture qui construit l’identité nationale, qui particulièrement construit les éléments de base, qui conserve l’héritage, maintient l’identité et maintient les objectifs de la révolution, nous, en tant que députés intéressés par ce domaine de la culture, pourquoi pas qu’elle fasse un geste, un petit mot, aux députés en s’intéressant , en y faisant exception, surtout que ce domaine culturel a même besoin qu’y assiste un grand nombre de symboles de ce pays.
Il n’ y pas de mal qu’il soit permis aux députés de voir et de suivre toutes les activités culturelles dans le pays.
Il ne va pas se mettre à attendre l’invitation de la part du Délégué de la commune ou l’invitation du comité d’organisation.
Pourquoi pas, qu’avec la carte de député, la nôtre, que l‘occasion nous y soit, par la force dans tous les festivals. ]
fin de la traduction
Que les artistes tunisiens soient prévenus, bonne nouvelle, ils auront au moins un spectateur sur les gradins qui attend leur spectacle de pied ferme. Ils ont intérêt à être à la hauteur de son attente.
Que les artistes soient prévenus : c’est un député qui estime que lui et ses collègues, en s’auto-définissant au passage « qu’ils (les députés) constituent le symbole » du pays, et qu’à ce titre ils n’ont pas à se trouver à la merci d’un délégué local ou à un quelconque comité qui hésiterait avant de leur faire parvenir un carton d’invitation pour honorer de leur présence un festival.
Il annonce qu’il est question de la « flamme de la révolution » qui doit se poursuivre.
Il fait remarquer que s’il le faut, il entrerait dans les festivals par la force « النّفاذ » (locution en arabe usitée pour signifier en général l’exécution par la force plutôt d’un jugement qu’autre chose).
En définitive, sa demande se résume à ce qu’il lui soit accordé, à lui et à ses collègues, le pouvoir d’assister gratuitement à tous les spectacles qui se déroulement dans le pays, en injuriant au passage les artistes, affirmant qu’ils sont dans un domaine sur lequel on ne peut pas compter pour se développer.
Cependant, il oublie de rappeler que lui, le développement, il le connait bien. »
