And the winner is…. Farhat Rajhi

Par   Salah  Ben Omrane   le 5 avril 2011

1ère vidéo:10min 04

2ème vidéo : 5min 24

3ème vidéo : 8min 16

 

Farhat Rajhi, ex-ministre de l’intérieur dans le gouvernement provisoire a son public.

 Il tape sur les nerfs de certains, mais il sait qu’il n’a rien à craindre car une bonne majorité du public tunisien est déjà acquise pour sa cause. 

Certains doivent se dire en comités qu’il ne fallait pas le débarquer quand d’autres doivent murmurer, que faire appel à lui, est déjà en soi une erreur fatale. Maintenant, ils doivent se coltiner ses critiques et ses sarcasmes et prendre le temps  de répondre à ses affronts, sous peine de passer pour des amateurs en politique.

 Il a un Joker : Une grande majorité du public tunisien l’aime. Il l’a dans la poche. Sa cause lui est déjà acquise. Son « atypisme », son franc parler, certes, peuvent agacer et irriter ceux qu’il cite ou auxquels il fait allusion, mais c’est ce qui constitue sa force.  Je plains ceux qui écoutent ses interventions publiques et qui ont quelque chose à se reprocher. Lorsqu’il  incline légèrement la tête en cherchant un nom dont il n’arrive à s’en souvenir facilement, doivent certainement, pendant cet instant, prier le ciel  que sa mémoire lui fasse défaut ou qu’un auditeur lui coupe la parole à cet instant là, et qu’ainsi ils peuvent échapper à un mauvais rôle qu’il pourrait leur attribuer dans son récit. De sa bouche cela sonne comme un verdict. Car, les noms qu’il lui arrive de citer, ne sont pas tous encensés ou bénis par la grâce.

 Que lui trouve le public tunisien?

De la spontanéité, du franc parler et peu d’usage de lange de bois.

Que faut-il de plus pour plaire?

Il y parait tout ‘naturel » quand il parle, alors qu’il vient de faire une tour des montagnes russes. Il normalise son entrée au gouvernement telle une évidence, et avec le même aplomb, c’est-à-dire pas de passion du tout, il dédramatise sans se forcer, sa propre sortie. Il fait comme si le scénario était écrit à l’avance, sans rechigner, il acquiesce et rend le tablier. Il fait comme s’il s’y attendait qu’il allait être remplacé par un autre ministre au même poste sensible. Il s’est résigné à l’idée que le vrai changement n’est pas pour tout de suite, qu’il est illusoire de chercher un soutien parmi ses collègues ministres, qu’eux mêmes sont fragiles et pas assez téméraires pour aller s’exposer publiquement avec des méthodes de gouvernance innovatrices qui pourraient mettre en péril l’organisation des pouvoirs qui conduisent les affaires du pays. 

 Cependant, il est tout à fait le personnage de la situation (là où il faut quand il faut (sic),tel qu’il s’est décrit lui-même, lorsqu’on est venu le chercher pour occuper le poste de ministre de l’intérieur dans le gouvernement de transition.

 Il sait raconter. Il sait séduire. C’est son expérience de magistrat qui s’exprime et  il sait captiver l’attention de son auditoire. Il sait tenir le public suspendu à ses lèvres.

 C’est aussi cette révolution-là que le tunisien voulait. Il veut des gens qui savent parler lorsqu’ils choisissent le domaine politique pour destinée. Ceux qui ont peur du public n’ont pas de place dans cette zone de compétition. De même, les intrigues qui préfèrent agir dans l’ombre, sont et restent condamnés à jouer le mauvais rôle auprès des tunisiens  dans de piètres fables . N’est pas un bon orateur qui veut!

Le Tunisien aime celui qui trouve le plaisir de partager la parole avec lui comme on partage un repas en toute convivialité, sans nécessairement partager les mêmes  idées ou des convictions  identiques.

La Tunisie  a toujours été un pays de tradition de la  langue orale. Celui qui n’a peur de rien  ni de personne et qui n’a rien à cacher tel Mr Rajhi, a toute les chances de trouver une bonne place en passant facilement dans la classe des gens sincères et appréciables!

 Malheureusement, ce déficit de sincérité fait défaut à la Tunisie en ce moment. Il y a comme une sorte d’appréhension chez les politiques , une crainte de s’auto-nuire  à leurs images qui leur fait prendre des postures fades et sans saveur ,quand ils ne donnent pas tout simplement l’image de politiciens terrifiés et tétanisés , avec la trouille de  déplaire. Tels des amateurs de théâtre, qui veulent bien jouer, faire du spectacle, mais à la condition que ce soit en privé et si possible sans public. La peur de trébucher, de déplaire aux spectateurs d’être sifflés. Un homme qui sait manier l’art de la rhétorique. Il le dit lui-même dans l’enregistrement par une sorte de mise en abîme en évoquant : qu’une belle carrière politique sans faute pendant dix ans, peut se trouver réduite en miettes par une erreur fatale en dix minutes. Un homme ou une femme politique ne doit pas avoir peur de braver les tabous .C’est ainsi qu’on peut comprendre le sens de sa parabole. Celui qui a le vertige, il vaut mieux pour lui qu’il ne monte pas sur les toits. Sur scène.

C’est le courage qui manque à certains qui font de la politique et qui comptent se présenter devant les électeurs prochainement. Ils ne parviennent pas à se lancer corps et âmes devant le  public tunisien, qui ne demande pas plus que de les écouter. Ce public grand amateur du jeu de langage, qui le met en préambule ,avant même d’apprécier toute tendance ou position politique.

Il semble que Mr Rajhi a su trouver son personnage. D’ailleurs , peu importe la véracité de ses affirmations, peu importe son point de vue sur les évènements qui se produisent, l’essentiel pour le tunisien, est qu’enfin voilà un homme qui ose. Voilà un  homme qui l’ouvre en public! 

Pour la majorité des Tunisiens, Rajhi tient un langage compréhensible et accessible à tous. Il n’est pas l’homme des grands meetings qui fait dans l’ostentation par le geste et la chemise trempée.  À l’inverse, il est plutôt l’homme qui semble privilégier le débat dans le calme qui ne craint pas de pousser la réflexion sans sans ménager sa personne.

Rajhi vient de donner une leçon à tous les futurs candidats aux prochaines élections. Il leur a prouvé que le public n’aime pas qu’on lui explique, qu’on lui fasse des démonstrations. Il aime tout simplement qu’on lui parle et qu’on lui raconte ce qui se trame dans les bureaux des ministères, avec toutes les intrigues du palais. Un public nourri par les contes de Mille et une nuits et qui réclame des fables, surtout pas de théories sur ceci ou cela. Cela lui suffit pour se décider quand il y aura des élections.

Il n’y a pas de meilleure solution pour éradiquer les rumeurs que de communiquer en rendant publics ce qui se dit dans les conseils des ministres et rendre tous le projets gouvernementaux et autres documents administratifs accessibles et à la portée de tous.

 Monsieur Farhat Rajhi sait narrer! Il a su adopter une conduite totalement décalée dès le premier jour où il était devenu un personnage public. Sa narration plait. Elle le fait démarquer du reste des politiciens. Cela peut être considéré comme de l’anti-jeu pour ses ex-collègues à la tête des ministères. Autant que par ses interventions publiques, il peut être désigné de mauvais joueur auprès des acteurs politiques qui se voient en professionnels de la politique mais qui ont du mal à se frayer une place par manque de courage oratoire. Dans ce contexte, il est logique que Mr Rajhi parvint à s’accaparer du beau rôle voire du personnage vedette et talentueux en séduisant le public.

  Si monsieur Rajhi n’existait pas, la Tunisie aurait eu tort de ne pas le créer! 

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Un commentaire pour And the winner is…. Farhat Rajhi

  1. Ben Rajiba, Hatem dit :

    ,,ceux qu’il cite ou auxquels il fait allusion ,mais c’est ce qui constitue sa force. Je plains ceux qui écoutent ses interventions publiques et qui ont quelque chose à se reprocher . Lorsqu’il incline légèrement la tête en cherchant un nom dont il n’arrive à s’en souvenir facilement ,doivent certainement, pendant cet instant ,prier le ciel que sa mémoire lui fasse défaut ou qu’un auditeur lui coupe la parole à cet instant là , et qu’ainsi ils peuvent échapper à un mauvais rôle dans son récit,, Ce passage est formidable. Il approuve que le narrateur est talentueux. Ce texte seduit malgres qu’il s’agit d’une analyse psycho-politique, pas literaire!!!

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