Slim Chiboub écrit au Conseil de l’Union Européenne

Par   Salah Ben Omrane   le 25 mai 2011 à  : 00H40

   Il y a des coups d’épée dans l’eau qu’un avocat pourrait se priver d’exécuter. La fortune du mandant, si impressionnante qu’elle puisse l’être, ne doit pas justifier toutes les gesticulations.  

Ceci dit, Mr Chiboub ne sort pas un sous de sa poche pour une telle procédure car, son Conseil se fait payer directement des avoirs qui sont frappés par la mesure communautaire. La règlementation même l’y autorise (1). Comme quoi tout n’est pas perdu pour lui .

 Slim Chiboub par son conseil Lausannois a réagi à la parution de son nom sur la liste des personnes concernées par le gel de leurs avoirs sur le sol européen. Par la même occasion, on a appris qu’il est installé à Abu Dhabi, loin du tumulte procédurier, dont il a tout à fait le droit d’espérer qu’un miracle se produise à son avantage et qui finirait par débloquer le verrou sur ce qu’il présume lui revenir de droit. L’avocat peut aussi être payé pour faire rêver son client !

 M.Chiboub est concerné par la mesure règlementaire qui figure au Journal officiel de l’Union européenne du 5/02/2011. Dans son  Article 2 paragraphe 2, il est écrit ceci : « Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe I, ni utilisé à leur profit ».

 Etant en 25ème position de la liste annexée qui contient 48 noms ,il est mentionné que cette personne  fait  «  l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent. ».

 Il faut rappeler que les mesures énumérées dans ce règlement de l’Union Européenne ( No 101/2011), prises le 4 février 2011, elles concernent des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie, qu’elles ne se constituent ni en décisions judiciaires ni en mesures législatives. Elles sont règlementaires !

 Le Conseil de l’Union Européenne, tel qu’il est prévu dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, précisément son article 215, paragraphe 2 (2), est fondé de prendre des décisions à l’encontre de certaines personnes, en matière des biens et des avoirs dont ils sont  détenteurs ou titulaires  et qui se trouvent dans l’espace de l’Union.

Une décision tel que le gel de ces avoirs, entre pleinement dans le champ de compétences du Conseil, sans que ce dernier n’ait, au préalable, à demander l’avis ou consulter la personne ou l’entité morale visées par ces mesures de contrainte.

 Toutefois le Conseil accorde à ces mêmes parties, qui s’estiment lésées par ce type de mesures, la possibilité de formuler des observations qui peuvent amener le Conseil de l’Union Européenne à  infléchir ses décisions, voire même aboutir à les faire suspendre le cas échéant.

 De telles mesures relèvent d’un domaine de compétence de l’Union européenne. Toutefois, rien n’interdit à  monsieur Chiboub , concerné directement par la mesure, d’adresser une pétition au Conseil de l’Union dans laquelle il formule ses observations au sujet de ses avoirs et c’est ce qu’il semble avoir fait.

 Que demande monsieur Chiboub ?

Il demande l’annulation de la décision qui lui a été notifiée par courrier du 25 janvier 2011 pour le motif  que la Conseil de l’Union Européenne n’a pas examiné sa pétition.

Ses trois arguments pour motiver sa requête sont les suivants :

  « 1) Premier moyen tiré d’une violation des droits fondamentaux et notamment des droits de la défense, en ce que la décision 2011/72/PESC impose des sanctions et cause un préjudice considérable à la partie requérante sans qu’elle ait été entendue préalablement et sans même qu’elle ait pu faire connaître utilement son point de vue par la suite. 

  2) Deuxième moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du droit à une protection juridictionnelle effective et de la présomption d’innocence, la partie requérante ayant été incluse dans la liste litigieuse sans audition préalable et sans indication des motifs de fait et de droit ayant justifié cette inclusion. »

 En résumé ,il reproche au Conseil qu’il ne l’ait pas sollicité à faire entendre sa voix au préalable avant de prononcer les mesures règlementaires.  Ce qu’on pourrait appeler la violation du principe du contradictoire, principe qui doit être appliqué avant toute décision administrative.

Il faut rappeler que Le Conseil de l’Union Européenne, depuis le traité de Lisbonne en 2007, est habilité à prendre certaines mesures qui se destinent à faire respecter le droit communautaire sans passer obligatoirement par la case de la Cour de justice de l’Union Européenne.

Le traité en question confère au Conseil de l’Union l’aptitude d’agir au titre d’une autorité administrative de l’Union Européenne. C’est cet organe qui a agi, conformément à sa mission , à prendre les mesures de geler les avoirs des personnes sur la liste annexée, en estimant que cette décision est utile et conforme au droit Européen. Néanmoins, les mesures prises à l’encontre des personnes sur la liste dont Mr Chiboub fait partie, sont et demeurent des décisions qui relèvent de la forme de la procédure à l’encontre des personnes visées et elles sont des décisions exécutoires . Les griefs à l’encontre de monsieur Chiboub, qui constituent le fond de l’affaire ayant abouti à la transmission du dossier au Conseil de l’Union Européenne, se trouvent et en substance , en Tunisie. Mr Chiboub est en droit d’user d’un recours en annulation, il est en droit d’exiger une réponse à sa requête dans les délais prévus, mais il n’est pas fondé à ce que la Conseil de l’Union l’entende au préalable avant de mettre en place les mesures qui relèvent de l’ordre public de la communauté avant tout , que lui estime, qu’elles sont préjudiciables à ses propres intérêts. Le motif est tout simple : Le Conseil de l’Europe n’est pas l’initiateur de la procédure. Il est le maillon d’une  chaîne et celle-ci détient la puissance de la mise à exécution de la force qui préserve la règlementation européenne.  

 « 3) Troisième moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, la partie requérante ne pouvant être accusée de détournement de fonds aux fins de blanchiment d’argent, ces fonds provenant de la FIFA par laquelle la partie requérante aurait été rémunérée de 2006 à 2010. ».

 Dans le premier Article, l’objet de ce qui est visé par la règlementation du Conseil de l’Union Européenne est assez précis: «Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe. » .

Il ne figure nullement dans cet article la source d’acquisition des fonds ou des biens qui font l’objet de la décision. Seule la constatation du lien d’attribution à des titulaires qui figurent sur la liste font qu’ils doivent être gelés. Ceci ne constitue pas une omission. Car le dossier sur le fond n’est pas clos et il est entre les mains de la justice tunisienne.

 Toutefois rien n’empêche monsieur Chiboub, d’y faire droit dans les règles, de se présenter devant les autorités judiciaires tunisiennes afin d’apporter les précisions utiles quant à la provenance véritable des fonds avec lesquels il a pu acquérir sa fortune.

 Il est une erreur manifeste de répondre sur le fond de la décision des autorités tunisiennes,  sans fournir aux mêmes autorités qui sont à l’initiative de la saisine du Conseil de l’Union, les explications et les preuves qui semblent fondamentales aux yeux de l’intéressé .

 A l’évidence, il s’agit d’une incohérence manifeste qui consiste à se défendre de l’accusation de détournement de fonds aux fins de blanchiment d’argent, en espérant  que le Conseil de l’Union joue le rôle d’une lessiveuse. 

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 1    Article 4 du Règlement (UE) No 101/2011 du Conseil  du 4 février 2011 :

« 1. Par dérogation à l’article 2, les autorités compétentes des États membres énumérées à l’annexe II peuvent autoriser le déblocage ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques gelés, aux conditions qu’elles jugent appropriées, après avoir établi que ces fonds ou ressources économiques sont:

   a) nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes dont la liste figure à l’annexe I et des membres de leur famille qui sont à leur charge, notamment pour couvrir les dépenses consacrées à l’achat de vivres, au paiement de loyers ou au remboursement de prêts hypothécaires, à l’achat de médicaments et au paiement de frais médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics;

  b) destinés exclusivement au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable ou au remboursement de dépenses engagées pour s’assurer les services de juristes; ».

 2   « Lorsqu’une décision, adoptée conformément au chapitre 2 du titre V du traité sur l’Union européenne, le prévoit, le Conseil peut adopter, selon la procédure visée au paragraphe 1, des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d’entités non étatiques. »

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2 commentaires pour Slim Chiboub écrit au Conseil de l’Union Européenne

  1. Ben Rajiba, Hatem dit :

    ,,Toutefois rien n’empêche monsieur Chiboub , d’y faire droit dans les règles ,de se présenter devant les autorités judiciaires tunisiennes afin d’apporter les précisions utiles quant à la provenance véritable des fonds avec lesquels il a pu acquérir sa fortune,, Mais pourquoi heste-t-il a y faire?

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