L’autorité judiciaire tunisienne mise en accusation

Par  Salah Ben Omrane  , le 16 août 2011 à 10:13 

  

En-vol immédiat

  Être magistrat n’est pas un métier, c’est une fonction. De même, l’autorité judiciaire n’est pas une organisation, elle est un service public.

«Les incompétents et les corrompus doivent être remerciés et quitter le navire sans délai et sans attendre qu’une sortie dans les formes leur soit réservée». C’est le sens qui peut être résumé ainsi, des voix qui se sont élevées au cours des manifestations qui se sont déroulées hier dans les artères de Tunis et à l’issue des grognements qu’on entend partout, faisant suite aux quelques décisions judiciaires incompréhensibles par le public et qui sont intervenues particulièrement ces derniers jours .

Rassurez vous ! Pour la majorité des citoyens Tunisiens ,le pouvoir judiciaire est très efficace. Il est en action mais seulement, il agit en toute efficacité au profit des clans en fuite et qui s’échappent encore du pays . À vrai dire , ils ne s’échappent même pas , puisqu’ils  quittent librement le pays et sans entraves .

Qui est cependant gardé sous le coude , derrière les barreaux et en plus avec le drôle statut de « témoin » ? Bien sûr : Samir Feriani ! Cet homme est si « dangereux » , si « menaçant » pour les institutions de l’État, qu’il est capable de récidiver. Il est gardé loin de sa famille pendant ce mois de Ramadan . Lui , tout seul, le « dangereux » ,semble être capable d’acculer à la démission tout le sérail au pouvoir en itérant à sa libération  l’acte le plus redouté, le plus craint par les autorités en Tunisie, depuis le temps de Bourguiba jusqu’à ce jour, qu’est l’acte de penser et  d’écrire librement. Voler dans la caisse de l’État et s’enfuir,  à côté du geste d’écrire, semble  constituer dans les faits, un délit mineur. N’en parlons pas des snipers qui ont commis des crimes et endeuillé des familles entières et par miracle, aucun d’entre eux n’a été ni attrapé,ni dénoncé ni jugé.  Ils sont introuvables! À croire qu’ils abattaient les gens en s’étant installés dans la planète Mars.  

 La pratique de l’autorité judiciaire a des secrets que le citoyen lambda ignore.

Ceci dit, la Constitution tunisienne est la principale référence de ce qu’on appelle « l’autorité judiciaire». Dans l’attente qu’une nouvelle constitution tunisienne soit rédigée, et que les membres de la prochaine assemblée soient élus et qu’ils s’y mettent à l’ouvrage dans sa rédaction , les actions judiciaires en cours se font sous l’égide de cette actuelle Constitution.

En lisant celle-ci, nous découvrons que les textes juridiques applicables et qui sont en vigueur ,définissent amplement l’autorité judiciaire au point qu’ils n’ont   besoin d’aucun remaniement, d’aucune modification, d’aucun ajout ni de d’aucune rectification , tellement ils paraissent si en osmose avec la conception actualisée du sens d’une justice qui s’inspire des droits  fondamentaux de tout individu reconnus dans les chartes et autres conventions internationales. Une justice équitable, indépendante, issue d’un pouvoir qui émane du peuple : Article 64 «Les jugements sont rendus au nom du peuple et exécutés au nom du Président de la République» . Que cette justice en Tunisie  est respectable pour celui qui dit le droit et prononce le jugement qu’est le juge: Articles 65: «L’autorité judiciaire est indépendante ; les magistrats ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi .»

 C’est à se dire pourquoi tant de remue ménage ,tant de chahut dans les coulisses mêmes de cette vielle institution, qui soudain est devenue une cible d’attaque de quelques forces autant endogènes qu’exogènes à la magistrature. D’où vient le mal et de quoi souffre Dame Justice ?

 Elle est rongée par l’injustice, le corporatisme , le clientélisme, de la corruption, du déni de justice ,de l’escroquerie, de l’excès de pouvoir, du népotisme, de la fraude et des conflit d intérêts. Quelques uns de ses membres disent qu’elle est en bonne santé, cependant ils admettent qu’elle souffre de ces quelques maux et seulement ces quelques maux .

 La nouvelle et future Constitution peut-elle les guérir ?

 En théorie, les futurs constitutionnalistes pourront enjoliver autant qu’ils désirent les fondations du droit sur lesquelles travailleront les futurs législateurs, mais leurs intentions  seront réduites à néant par un autre pouvoir qu’est la nature humaine, sachant qu’elle est perméable aux fléaux tels la corruption par le pouvoir de l’argent ou l’incompétence réelle d’assumer la fonction de juger. Ceci , tant qu’on ne reprend  pas de fond en comble la définition de la fonction de juger ainsi que la fondation d’un nouveau  statut pour le juge.

 La Tunisie doit se doter d’une justice, juste et digne , impartiale ,indépendante, qui fonctionne en toute transparence  ,qui garantit des procès qui se déroulent en toute équité à l’abri de toute pression, qu’elle émane de l’extérieur ou simplement hiérarchique .

 Cela n’est  possible avec des magistrats intègres ,attentifs aux causes des justiciables, légalistes, respectueux des sermons et autres engagements dus à leurs rôles suivant la fonction de chacun des magistrats et de ses compétences requises relatives à ses attributions.

 Quels recours pour y parvenir ?

La loi ! Des lois qui protègent le magistrat, le juge ,contre les pressions ,les intimidations d’où qu’elles proviennent (d’un ministre, des médias voire d’un notable) et ensuite une loi qui protège le justiciable contre l’injustice , l’impartialité , et de toute forme d’abus d’une autorité administrative et contre toute dérive du système judiciaire. La loi dans ce sens doit punir fermement le corrompu et le corrupteur et doit donner les moyens à tous d’en détecter les traces .

 Le magistrat et le justiciable sont d’abord des citoyens . Le pouvoir de la loi peut bâtir une justice républicaine dans un pays qui veut s’octroyer sérieusement d’institutions démocratiques et solides avec  un système judiciaire en pierre angulaire dans l’édifice de l’État. Le Tunisien qu’il soit magistrat ou simplement citoyen a droit à cette justice juste.

 Avant cela, la purification de l’appareil judiciaire est une nécessité imminente  incontournable et absolue .

Est-il légitime dans un pays démocratique que la justice militaire s’empare de certains dossiers à connotation politique ,en emboitant le pas à la justice civile, si cette dernière était véritablement digne de confiance ? Le Cas des dossiers de Ben Ali ou celui de Samir Feriani transmis à la justice militaire , ne sont ils pas suffisamment éloquents dans la discréditation  de la justice civile tunisienne par sa propre armée ?

S’accaparer de ces dossiers n’est ce pas la meilleure  façon de déjuger le principal instrument public qui dit la loi et qui doit prononcer les jugements dans le pays  qu’est la justice ?

Les manifestations publiques contre les dérives et les dysfonctionnements dans ce service public, ne font en fait que suivre le chemin déjà tracée par l’armée. Depuis le 14 janvier dernier, l’armée a assommé la justice et la rue tente de l’achever en espérant gagner une nouvelle. C’est la destinée fatale de tout ce qui est archaïque et rongé par le vice.

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