Le Syndicat des Magistrats Tunisiens défie l’assemblée constituante

Salah Ben Omrane  08 janvier 2014 19:30

 conférence de presse du syndicat des magistrats tunisiens  Pas de démocratie sans la séparation des pouvoirs ! Pas de démocratie sans une justice indépendante et séparée des pouvoirs !

   Ceci pourrait être le résume de l’action que mène, en ce moment, le Syndicat des Magistrats Tunisiens. Il tient à se faire entendre d’une, par les constituants, membres de l’assemblée constituante et par les rédacteurs de la nouvelle constitution, pour qu’ils inscrivent noir sur blanc, l’aspiration d’un peuple qui s’est révolté contre l’injustice, que les magistrats avaient déjà déclaré, haut et fort, que cette cause est aussi la leur. Ils tiennent à rappeler à la  commission prétendument censée représenter et défendre les intérêts des magistrats, en lieu et place d’un Conseil Supérieur de la Magistrature qui se trouve dans les prochains cartons législatifs, à faire réagir cette commission afin qu’elle sorte de sa léthargie expectative .

 syndicat des Magistrats Tunisiens  le Syndicat des Magistrat Tunisiens n’entend pas voir lui souffler sous le nez le rendez vous nationale de l’écriture de la constitution, sans contribuer législativement à la protection des justiciables contre les abus, ce  dont il est indispensable que les magistrats soient, eux-mêmes, aptes à pouvoir s’y consacrer, en étant débarrassés du boulet au bout de la chaîne, que le gouvernement actuel en place, tient à précieusement préserver  dans ses cabinets.

  Raoudha Laabidi, présidente du syndicat des Magistrats Tunisiens, dans une conférence de presse tenue avant hier, a exposé les griefs à l’encontre des rédacteurs du projet de la constitution, de la commission des consensus qui participent à sa rédaction, de la commission qui parle au nom des magistrats mais qui parle avec un silence douteux et  contre le ministre de la justice et son chef qui est le président du gouvernement, premier responsable des directives. 

  Dans cette conférence , elle a exposé le point de vue du syndicat sur les éléments suivant : l’état dans lequel vit la magistrature aujourd’hui,  la constitution, sur les amendements proposés pour modifier la constitution et les consensus politiques relatifs à la modification. Elle conclut son intervention par les décisions prises par le syndicat , si d’ici jusqu’au moment où s’ouvre le débat, en séance plénière sur la partie »autorité de la justice », le syndicat des magistrats demeure sous exclusion dans la prise de parole.

Quel est l’intérêt de la traduction et de la transcription de l’intervention du SMT ?

(petite note : La traduction sert à informer le maximum de personnes sur les moments décisifs que vît la Tunisie. Nous avons même pu constater que la traduction peut servir et être utile jusqu’au rangs de l’assemblée constituante. Quant à la transcription, elle évite le chemin des oubliettes de quelques positions des interlocuteurs autour du projet de constitution et permet de mieux appréhender leurs interventions orales. )

Vidéo reprise de l’enregistrement réalisé par Mosaïques Fm

Raoudha Laabidi (traduction de son intervention) :

 « En ce concerne l’état dans lequel vit la magistrature aujourd’hui, personne n’est au courant que la plupart des institutions judiciaires ne sont pas en fonctionnement.

 Aujourd’hui, sur le fond  de l’action des magistrats judiciaire du comité des magistrats, qui a été mis en place par la commission provisoire pour superviser le justice judiciaire, l’intervention de monsieur le ministre de la justice dans les parcours professionnels des juges et son orientation par le président du gouvernement, on se retrouve avec des institutions judiciaires qui ne travaillent pas. On a aujourd’hui deux directeurs généraux à la tête du centre d’études juridiques et judiciaire. Un qui travaille l’autre non. À la haute école de la magistrature il y a deux.Un qui travaille l’autre non. Le Tribunal immobilier n’est pas en exercice. Les Inspecteurs généraux.Un qui travaille l’autre non.Le tribunal de Tunis est seul compétent en matière de terrorisme. Depuis plus d’un mois et demi  il est sans président du tribunal.

  La commission provisoire doit trouver en toute urgence des solutions pour que des juges puissent partir en repos.

 Nous le syndicat des magistrats Tunisiens, on considère que le comité provisoire doit sortir de de sa situation négative. On lui rappelle que sur le fondement de l’article 2, elle doit émettre des propositions dans cette situation.

 En tant que syndicat on a essayé d’être une force de proposition, aussi bien sur la loi de 67, sur la constitution et sur la justice transitionnelle . Sur tout projet relatif à la justice, le syndicat a fait des propositions. Nous demandons à la commission provisoire, qu’elle quitte cette situation d’immobilisme et qu’elle réagisse positivement avec la situation que vît actuellement la justice .

 Nous sommes devant un bataille de haute importance il s’agit de l’indépendance de la justice.

  Il y a des menaces contre des juges . Hier encore, on a brûlé la maison du procureur de la république à Sousse. C’est une action criminelle et il a été prouvé que c’est criminel.

 Ce sont des conditions d’une extrême gravité que vivent les magistrats et en face on a un gouvernement dans l’insouciance, un ministre qui ferme sur lui-même les portes de son  ministère . On ne comprend pas ce qu’il fait . Cette situation ne peut plus durer.

 Sur le projet de la constitution :

 Nous avons dit qu’il y a eu deux brouillons du projet de la constitution avec les remarques présentées. Le second incluait des améliorations où on pouvait voir l’amorce de l’indépendance du ministère public. on pouvait trouver le début de la consécration de l’indépendance de la justice. En principe le projet de constitution devait se poursuivre sur la base de ces deux principes. On s’était rendu compte que tout a été effacé dans la dernière version du projet. Mais encore, ce qui peut être la plus grande des catastrophe dans le projet de constitution, est qu’on s’est aperçu de la filiation de l’institution judiciaire et du conseil supérieur de la magistrature.

 Dans ce projet, quelle est la composition du conseil des magistrats ? Il était prévu qu’on ait 3 comités : judiciaire, administratif et financier. il était prévu que ces trois comités soient chapeautés par le conseil, qui lui, réunit et supervise l’amélioration de l’organisation judiciaire et les propositions, en ce qui concerne la loi.

 Aujourd’hui, on s’aperçoit que le Conseil anime 4 comités . Un 4ème comités qui surgit et qui peut être dangereux sur la société tunisienne .

 On dit que le comité fait le relais entre 4 comités dont celui des assemblées et qui pose problème. Sur ce comité des assemblées judiciaires, nous n’avons pas trouvé ce qu’il fait au juste. La réponse de l’un des membres de l’assemblée constituante, à qui nous avions posé la question précisément,  nous a répondus « qu’il y aura un juge des dotations, qu’il va y voir une identité islamique. Autant qu’il y aura une cour constitutionnelle qui supervisera la constitutionnalité des lois, ce comité  supervisera la concordance des lois avec la chariâ ».  Pour nous, ceci est très dangereux .Car si vous (au ministère) voulez faire passer tout chos , cela ne devrait pas se faire dans l’obscurité, dans la non transparence et sans discussion, en semant la panique.

 Hormis le fait qu’on refuse la composition des comités de magistrats par des non magistrats, nous sommes avec un comité des magistrats qui va prendre la tâche d’améliorer l’organisation judiciaire, ouvert à toute la composition judiciaire avec la société civile. Il intervient au conseil supérieur de la magistrature pour présenter ses proposition d’amélioration de l’organisation judiciaire et la loi, mais les comités des assemblées reste un point d’interrogation. Nous demandons des explication à son propos et sur ses fonctions.Hier encore quand Monsieur Khedr* a répondu à la télé sur ce point évoqué par le syndicat des magistrats tunisiens, il a dit que « ce comité va rassembler les comités judiciaires ». Que fait donc le conseil des magistrats ? Aujourd’hui on va se retrouver avec un conseil supérieur des magistrats dont la loi définit ses fonctions, mais ce comité à qui on a attribué des fonctions on les  comprend pas. Car il est dit que les propositions de lois sont à présenter à ce comité obligatoirement.

 La constitution ne doit pas contenir des variables dans son interprétations.

  Sur le rattachement du ministère public, qui était, et qui est présent dans le projet de constitution, il consacre la politique pénale au gouvernement. Nous avons dit, il ne peut y avoir cette formulation. Nous avons dit qu’obligatoirement le ministère public doit être sous l’autorité de la loi. L’autorité pénale appartient à la loi et seulement à la loi et non à tel ou à untel.

  Arrive les consensus. Ces consensus politiques se sont faits au détriment de la magistrature et des comités et organisations des juges . Aucune partie des magistrats n’a été entendue par cette commission.    

 Les organisations judiciaires avaient été entendues quand le projet de constitution était au stade des premières concertations publiques .

 Les demandes des magistrats avaient été formulées à cette étape mais depuis, il n’y a eu aucune demande de réunion pour discuter du projet de constitution. La commission des consensus est venue renforcer cet isolement dans l’écriture de la constitution et elle est venue encore porter atteinte à la situation des magistrats.

  Pour nous, ce qu’a formulé la commission des consensus est de la surenchère politique ni plus ni moins. Il n’y a pas eu de réponse aux demandes des magistrats, ni une demande des les écouter. Si cette commission a réussi, relativement, sur la consolidation des droits et des libertés, elle a échoué dans la concrétisation d’une justice indépendante. Elle a échoué dans l’installation des piliers d’une justice indépendante. Elle a même rendu la situation pire qu’elle n’était dans le projet de la constitution. Car si dans le projet de la constitution, il était écrit que la politique pénale se consacre à la politique de l’État, elle est devenue, conformément aux consensus, le ministère public se consacre à la politique pénale du gouvernement .  

 Que signifie la politique pénale du gouvernement ?

 Soit les gens font la confusion entre État et gouvernement et réduisent l’État au gouvernement , et ceci est un problème, ou bien cet amalgame est fait volontairement, car lorsqu’on change dans le texte le mot « État » par « gouvernement » est que vous êtes conscient .

 La politique pénale est une partie de l’État. Elle fait partie des trois pouvoirs. Vous ne pouvez pas confondre entre État et gouvernement.

 Une politique pénale du gouvernement veut dire qu’un gouvernement  a une appréciation des délits qu’ils soient individuels ou en groupes, que ce gouvernement pour réaliser la paix ne reconnaît que l’aspect répressif de la loi et tient à ce qu’il soit dans la stricte application scrupuleuse de sa définition de la justice dans un sens mettant des limites . Un autre gouvernement dit non, nous fonctionnons avec la vision d’une défense de la société . Ainsi, il dit au sujet de l’accusé, je suis prête à le réhabiliter dans la société, bien entendu la loi et le judiciaire doivent superviser la réinsertion .

 Le problème est ce danger contenu dans cette affirmation « la politique pénale se consacre à la politique du gouvernement », qui veut dire qu’on aura un État avec une justice qui se colorise suivant la couleur du gouvernement. Nous n’aurons pas une justice qui travaille sous l’autorité de la loi, mais une justice sous l’autorité des gouvernements, . C’est ce qui est contenu dans le projet de constitution, suivant les consensus politiques.

 Nous avons émis 21 amendements sur ce projet. Une minorité de ces amendements relèvent de l’aspect formel, mais la majorité est sur le fond.

 Nous sommes face à un projet qui n’est pas à la hauteur des attentes du peuple tunisien, ni ceux des magistrats et toutes les composantes de l’organisation judiciaire .

 Nous sommes face à des propositions qui nous amènent vers  des situations incertaines et jamais vues en Tunisie .

 Nous pouvons considérer que la commission des consensus, a échoué en ce qui concerne l’indépendance de la justice.

 Pour ce qui du syndicat des magistrats tunisiens,  en ce qui concerne la commission provisoire, nous lui demandons de renoncer à l’état de passivité en réagissant à cette situation d’aujourd’hui avec des propositions de lois, d’émettre sa proposition et de la défendre en ce qui concerne la constitution.

  Nous sommes contre l’écartement de la commission, des consensus qui ont eu lieu. Avec toutes nos réserves sur la commission. Qu’on le veuille ou non, elle est une commission qui représente les magistrats et elle aurait dû être entendue dans les consensus politiques au même tire que l’écoute des juges.

 Nous demandons à la commission de trouver des réponses rapides au magistrats qui n’exercent pas leur travail et aux institutions judiciaires en situation d’immobilisation.

 Nous désignons la commission de responsable pour n’avoir rien fait pou unir les magistrat en ces circonstances particulières.

  En ce qui concerne la constitution,  nous, syndicat des magistrats tunisiens, en référence à l’action du gouvernement, en référence à l’action du ministre de la justice,  déclare le retrait de confiance de ce gouvernement et de son ministre de la justice. Pour nous, ces gens n’ont pas la conviction de l’indépendance de la justice. C’est leur limites. Un gouvernement qui ne croit pas à une magistrature indépendante. Dorénavant , nous ne les considérons plus en partie de négociation, vu qu’ils ne croient pas à une justice indépendante et ne croient pas qu’une justice indépendante est un pilier pour la transition démocratique.

  Si la situation perdure dans le même état, avec la même présentation des magistrats dans la constitution et que les consensus restent maintenus, le syndicat des magistrats tunisiens déclare l’entrée de tous les magistrats dans une grève ouverte dès le début des discussions de la partie « Autorité judiciaire » . Cette grève ne sera interrompue qu’après la rectification du projet de la constitution et la rectification des consensus . D’ici là il y a de la marge pour revoir ces positions . Nous appelons à la tenue d’assemblées car jusqu’à présent, elles n’ont pas eu lieu . « 

Fin de la traduction de l’intervention de Raoudha Laabidi

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Nadhir Ben Ammou, ministre de la justice a réagi à la conférence du Syndicat des Magistrats Tunisiens en organisant à son tour, le lendemain, sa propre conférence de presse( 07/01/2014).

Traduction de l’intervention du ministre de la justice Nadhir Ben Ammou:

« Quand j’utilise un moyen pour exprimer une position . La manière dont on se sert de la grève , de façon générale , est un moyen parmi d’autres mais ce n’est pas le seul moyen de lutte d’expression d’un avis ou d’une position .

Dans de domaine de la justice , ce moyen paralyse le service public . Que ceci coïncide avec un cadre général pour un dialogue national dans lequel participent différentes parties , que cela arrive à un moment précis , je vous dis que vous avez une couleur politique. Je ne suis pas catégorique pour dire que c’est totalement politique , mais il y a une couleur politique

Dire qu’il y a une grève à ce moment précis et pour demander quoi ? Influencer ou changer une position sur le problème des nominations , ceci découle d’une appropriation ou la tentative d’appropriation ou prendre une position en ce qui concerne l’état de la justice par rapport à la constitution .

Sous cette position , en toute évidence  pourquoi je voudrais que soit décidé dans la constitution l’indépendance de la justice , parce que je voudrais dire que la justice n’est pas indépendante . C’est cela l’opération : La justice n’est pas indépendante l’autorité politique ou l’autorité exécutive essaye de mettre à genoux où de telles sortes d’expressions . Ceci pour légitimer qu’il est nécessaire que la justice soit indépendante.

Je dis et je le répète , l’indépendance de la justice est une mentalité.

Vous ne pouvez pas m’accuser de la non indépendance de la justice en vous référant à un passé où ceux qui avaient participé à la non indépendance de la justice sont quelques juges eux-mêmes. C’est à dire j’ai participé à une organisation puis je crie et je hurle donnez moi mon indépendance . »

Fin de la traduction de la vidé0

Communiqués :

► Communiqué de l’Ordre des avocats de Tunisie (à liredu 08/01/2014 qui apporte son soutien à la cause de l’indépendance de la justice,  revendiquée par le Syndicat des Magistrats Tunisiens.

► Récent communiqué du Syndicat des Magistrats Tunisiens (à liredu 10/01/2014. 

Communiqué de L’Association Tunisienne des Jeunes Avocats (à liredu 10/01/2014.

 

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* Habib Khedr , Rapporteur général de la commission de la rédaction de la constitution, élu à l’asssemblée constituante et membre du parti Ennahda.
 

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