Par Salah Ben Omrane le 23 juin 2011 à 11:05 .
Après un silence de quelques mois , l’ex- président Ben Ali ne compte pas rester muet ni inactif. les derniers rebondissements qui le concernent ,ne peuvent que lui procurer des sensations dont un certain goût du risque fait partie . Jouer aux frontières du «contrat» moral qui le lie à son pays hôte :l’Arabie Saoudite , peut être source de quelques palpitations . Ce contrat , le contraint à n’exercer aucune action ,ni activité politique à destination de la Tunisie . Et ce même contrat , aurait pu être une prescription médicale pour ménager son coeur ,qu’un médecin lui ordonnerait bien volontiers . Mais ,c’est mal connaitre le bonhomme .Car , en fait ,un tel contrat est inadapté pour un personnage qui a besoin d’action et en premier lieu, celle de laisser aux soins des autres d’exécuter quelques tâches que lui-même s’abstiendrait de faire, de ses propres mains . On se souvient , qu’au premier jour de son accession au pouvoir ,par un coup d’Etat en 1987 contre son prédécesseur Bourguiba, à quel point l' »aide » d’autrui était si précieuse . Sans la signature de quelques médecins qui avaient attesté que l’état de santé de Bourguiba se trouvait incompatible avec la fonction de président , Ben Ali n’aurait pas été à la tête de la Tunisie durant 23 années . Par la ruse ,il est entré , par la ruse ,il est sorti !
23 ans de règne est un délai suffisant et raisonnable pour nourrir ,comme il se doit, une toile à l’échelle internationale pour parer à toute éventualité d’échec ou de naufrage. Cette toile, s’est mise en branle , comme agirait toute assurance de prestige ,non à la portée de tout mortel, mais que seuls quelques dictateurs déchus ,peuvent en jouir en cas de sinistre .Question de prévoyance .
Primo : Ne rien posséder ni inscrire à titre personnel ! Ce serait une erreur fatale . Et de deux : Ne jamais laisser toute la fortune dans le même pays ni sous la même forme bancaire ou immobilière ! C’est le premier conseil que recevrait tout dictateur dès le premier jour de son entrée dans le monde merveilleux du pouvoir . Certains, diaboliquement, vont jusqu’à tronquer une Aya du Coran qui dit : «Fais pour ton monde comme si tu vis éternellement et fais pour ton au-delà, comme si tu meurs demain» ,en l’adaptant à la mesure du rang qu’ils occupent à la tête du pouvoir et qui devient la suivante : « Fais pour ton pays comme si tu es président à vie et fais pour toi-même, comme si tu seras éjecté du pouvoir demain !» .
Les deux dernières semaines ,confirment que les prévoyances des « en cas où ! » fonctionnent à la perfection. Que l’argent dépensé pour cette éventualité n’était pas de l’argent jeté par la fenêtre . La toile internationale de défense de Ben Ali ,oeuvre à plein régime et que les efforts de 23 années de règne en entretien ,n’ont pas été vains .
La chronologie des évènements :
Le 13 avril :
Walid Bouhrawa ,journaliste à Elfejr rencontre l’ambassadeur d’Arabie Saoudite en Algérie : Sami Ben Abadallah Essalah. La rencontre a eu lieu lors de l’inauguration du festival de la culture musulmane de Tlemcen . L’Arabie Saoudite étant un pays contributeur et participant à ce festival .
Le 14 juin :
Le quotidien Elfajr ,sous la plume de Walid Bouhrawa ,titrait : « Riadh est prête à remettre Ben Ali et Saleh afin qu’ils soient jugés »
Le journaliste cite le nom de l’Ambassadeur ,en lui faisant dire le titre de l’article ,présumé représenter la position de l’Arabie Saoudite vis-à-vis de leurs invités particuliers.
Furieux ,et certainement pas qu’en lisant le journal ,l’Ambassadeur en question ,prend sa plume et demande la rectification de la parole qui lui est attribuée. On imagine aisément tous les coups de fils qu’il a dû encaisser de l’autre bout du croissant, sur son enthousiasme débordant à vouloir se tenir dans une proximité si compromettante avec les sujets d’Allah.
Le 19 juin :
Du pays du cèdre , Akram Azouri , avocat de Zine Elabidine Ben Ali fait circuler ,à qui voudrait le lire un courrier qu’il intitule « Une déclaration du président Zine Elabidine Ben Ali datée du 19 juin 2011 » .
Sachant que le procès de son client allait se dérouler le lendemain à Tunis , l’avocat estime qu’une mise au point est de rigueur , avant même que ne s’ouvre le procès public ,tant attendu où s’était immolée par le feu ,la reine phénicienne Didon pour ne pas épouser le souverain des lieux Hiarbas ,huit siècles avant Jésus Christ .
En parallèle , l’avocat justifie qu’il ait eu recours au procédé de la distribution de « la déclaration » au fait que la Tunisie ait refusé de lui accorder l’autorisation de faire échouer sa barque , en vue de défendre son client à l’audience prévue pour le lendemain . Malins les tunisiens , cette-fois-ci , ne le laissent même pas étaler la peau du taureau .
Le 20 juin :
A Tunis , s’ouvre la première audience du procès Ben Ali . Il est enrôlé dans 113 affaires .Le président du tribunal constate l’absence d’une défense inscrite au barreau de Tunis pour défendre les intérêts de l’intéressé Ben Ali . Il demande au Doyen des avocats de désigner d’office un conseil à cet effet .
A Paris à travers les médias (télés ,radios et autres ) l’avocat parisien Jean Yves Leborgne multiplie les interventions ,d’expliquer qu’avec tout le respect pour le peuple tunisien ayant provoqué le changement de ses gouvernants, son client qui se trouve en Arabie Saoudite ne peut pas se présenter spontanément à son procès ,car il ne serait qu’un bouc émissaire. Tiens ,cela rappelle bizarrement un de ses clients Eric Woerth ,ancien ministre du Budget qui se plaignait déjà ,en pleine chaleur parisienne l’été dernier ,d’être pris pour « un bouc émissaire ».
Le 22 juin :
Le quotidien algérois Alfajr ,cette fois-ci sous la plume de Allal Ahmed ,reprend l’information qui a fait beaucoup de bruit ,à savoir que l’Arabie Saoudite aurait été prête éventuellement à « lâcher son invité » Ben Ali ,en lui apporter un correctif . Une rectification dans la reformulation de la parole de l’ambassadeur . Cependant ,le journal l’accompagne par la publication de l’intégralité du courrier que l’ambassadeur lui avait adressé, il y a une semaine .Dans celui-ci ,l’ambassadeur explique qu’il réaffirme le respect que voue l’Arabie Saoudite aux autres nations, Tunisie comprise , et qu’elle a accueilli Ben Ali au titre d’un visiteur réfugié et que cette invitation est valable sous certaines conditions.
Or l’effet de la première publication d’ Elfajr a déjà fait ses ravages en secouant l’univers diplomatique dans les chancelleries ,arabes essentiellement . Les rédactions n’ont pas été épargnées notamment celle du quotidien Alfajr qui pensait tenir le scoop. Car , il s’agissait d’un évènement de taille puisque ce journal ,auquel chacun s’y référait, indiquait une position des autorités saoudiennes ,plus que surprenante ,qui est en opposition à celle qui a été tenue jusqu’à présent et qui consiste à protéger Ben Ali en lui accordant l’asile, peu importe le sentiment des fidèles qu’ils soient arabes ou pas.
Cela a fait réduire au silence la sérénité confiante de l’avocat Beyrouti jusqu’à l’avocat Parisien quant au sort de leur précieux client Hammam Soussois , pas du tout encombrant , puisqu’il est préservé précieusement à une température enviable pour tout touriste à Jeddah , ce depuis quelques mois .
Le même jour , le journaliste Walid Bouhrawa ,qui est à l’origine de la reproduction des déclarations de l’ambassadeur, a été interrogé par la station radio tunisienne Express Fm.
Il soutient mordicus qu’il avait reproduit telles quelles les paroles de l’ambassadeur .
Il dit qu’à la question qu’il aurait posée à l’ambassadeur sur sa conviction si l’Arabie Saoudite n’est pas injuste envers les nations arabes en apportant sa protection aux deux actuels présidents réfugiés dans son pays :Ben Ali et Abdallah Saleh ,que l’ambassadeur lui aurait répondu : « Que si les conditions l’exigent, l’Arabie Saoudite serait prête à livrer les deux invités à leurs pays respectifs …que ceci , en conformité avec le principe de la non ingérence du Royaume d’Arabie dans les affaires internes de tout autre pays ».
Que valent ces paroles lorsqu’elles sont désavouées par l’ambassadeur, le présumé auteur , même si le journaliste persiste à affirmer qu’ils les a bien entendues ? Peu de chose !
23 ans de prévoyance durant un règne, n’est pas une chose insignifiante pour qu’un jour, celle-ci soit à la merci d’une maladresse d’un ambassadeur ou d’un journaliste ne sachant pas reformuler .
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