Baghdadi Mahmoudi percuté par une olivette » zitouna » au fond de sa cellule

Salah Ben Omrane ,  lundi 02  juillet 2012 à 10:54

Baghdadi Mahmoudi

     Au lendemain de l’extradition de Baghdadi Mahmoudi de la Tunisie vers la Libye, des rumeurs ont circulé, le donnant pour mort à son arrivée dans une prison libyenne. Elles ont vite été démenties par une vidéo qui a circulé sur le net, labellisée par un logo :« Zitouna ». En ce qui concerne l’authenticité du document audiovisuel, il n’y a pas de doute: il s’agit de Baghdadi Mahmoudi, en chair et en os. Le document semble fiable, qu’il a bien été réalisé post-extradition. Or, ce même document qui a servi à l’enterrement de la rumeur qui pose problème, il soulève quelques inquiétudes.  

Qu’a-t-on vu et entendu ?

   Baghdadi Mahmoudi dans cette vidéo semble bien vivant, fringuant, presque sautant de joie de se retrouver en Libye, aux limites d’adresser ses remerciements particulièrement au gouvernement tunisien et aux acteurs qui ont orchestré sa livraison à ses compatriotes libyens. Cette impression se dégage dans ses réponses à un intervieweur tunisien qui le braque avec sa caméra. Un plan serré qui ne laisse rien apparaitre des personnes en hors champ, autour du prisonnier. « L’intervieweur » reste couvert et invisible dans l’anonymat. On n’entend que sa voix.

   Tout est artificiellement articulé pour faire comme s’il n’y avait que deux individus au cours de l' »interview » : celui qui pose des questions et celui qui y répond (le son d’un talkie-walkie s’entend à la 0:15 mn de la vidéo) . Comme si le duo était à l’abri de tout regard extérieur et que le prisonnier aurait accepté de livrer sa parole en toute spontanéité.  On entend la question : « Les conditions de votre séjour, c’est à dire, en tant que citoyen libyen, c’est à dire, qui a tous les droits  et toutes les obligations, en nourriture et en assistance médicale , c’est à dire… ? »

   C’était trop pour Baghdadi Mahmoudi ! Il n’a même pas laissé finir le semblant de question, qui est plutôt une affirmation élogieuse des conditions de sa détention entrecoupée par les « c’est à dire » répétés, signes de l’embarras. Baghdadi, le prisonnier,  s’est porté au secours de l’interrogateur embourbé, en répondant net et en le sortant de l’embarras : « Au contraire !» , en ajoutant : « C’est plus que le luxe . Si j’étais dans ma maison je ne trouverais pas tous ça. C’est à dire, j’ai trouvé tout le respect. les interventions médicales sont plus qu’excellentes. ». Bref, il faut en déduire que c’est un homme heureux, content d’avoir été extradé et qu’il est absurde d’éprouver une quelconque crainte au sujet de son traitement par ses nouveaux geôliers, à un poil près d’annoncer que c’est lui-même qui « avait souhaité voire organisé » son extradition.

   Le pseudo journaliste tunisien occulte le fait qu’il interview un homme qui vient d’être extradé malgré sa volonté, faisant semblant que la parole d’un homme sous contrainte physique vaut la parole du même homme bénéficiant de sa liberté de parole et de déplacement. Sauf que Baghdadi Mahmoudi est un homme qui se  trouve à son insu, dans un univers carcéral. Compte-tenu du climat militaire et politiques instables que connaît la Libye, la parole des représentants de l’autorité libyenne, qui avaient réclamé son extradition, ne pouvait pas garantir qu’il aurait droit à un procès équitable. Par ailleurs, il est étonnant que le prisonnier Baghdadi Mahmoudi puisse être approché aussi facilement au lendemain de son extradition, alors qu’officiellement des deux côtés de la rive de la frontière Tuniso-libyenne,  aucune information n’avait été donnée au sujet du nouveau lieu de sa détention. Que pour l’approcher, à coup sûr, il faut être, à la fois,  bien introduit auprès des nouvelles autorités libyennes et soutenu bien fort par la partie tunisienne qui a organisé en toute discrétion une extradition, dont même le président de la République y a été mis à l’écart, exclu et tenu non informé. De quoi s’interroger si le privilège du soi-disant « scoop » ne fasse partie intégrante de la transaction. L’autre question qui se pose d’elle-même consiste à se demander si la partie tunisienne impliquée dans l’extradition  n’a pas joué un rôle autre qu’un « simple livreur » sur commande ?

L’univers carcéral est totalement balayé par la mise en scène. Le questionneur parle même de « séjour »et non de détention. Baghdadi dit qu’il est en « très bonne santé » , qu’il a « rencontré le respect de toute [sa] famille et à tous les niveaux. C‘est à se demander de quelle famille il parle. Il a ajoute : « Les interrogatoires, grâce à Dieu, se font en toute transparence et respect. Je tiens beaucoup à ce que la vérité apparaisse au peuple libyen et au peuple arabe dans sa totalité en ce qui concerne le passé que la Libye a traversé durant la période passée. Si une personne a commis une faute envers le pays aura ce qu’elle mérite et si une personne a commis un bienfait aura ce qu’elle mérite aussi. Ceci est l’affaire de La justice. En même temps, je félicite le peuple libyen pour la réussite de sa révolution. J’espère qu’il la réussisse. Je le souhaite à tous ceux qui sont au pouvoir  et à tous ceux qui ont font ce qu’ils ont fait . À la fin nous sommes des citoyens dans ce pays . On a des obligations et des droits. On n’a qu’à respecter les obligations et les droits …. ».

 On nage dans le surréalisme !

  Nous voilà avec un prisonnier qui vient d’être extradé par les autorités tunisiennes, livré aux autorités libyennes, laissant derrière lui une bourrasque de protestations et d’indignations, sans parler des règlements de comptes entre tendances de différents bords au sein même de l’autorité provisoire de la Troïka. Voilà que par magie, les mêmes autorités libyennes, exhibent l’individu fraîchement extradé, qui en cours d’interrogatoires, à s’exprimer devant une caméra tunisienne inconnue du bataillon médiatique et le tout, comme s’il était dans la terrasse du  café d’un hôtel cinq étoiles au bord de lamer.

    S’agit-il d’une exposition excessive et abusée de Baghdadi Mahmoudi, quand on sait que même l’avocat du prisonnier n’était pas au courant de la livraison de son client, sans dire qu’il ne pouvait pas l’approcher, cependant un vidéaste prétendu journaliste, par magie, ait pu le rencontrer avec une facilité si déconcertante et si douteuse ?

   Quel est donc le lien entre la vidéo de la « zitouna » qui circule sur le net et les autorités tuniso-libyennes ? Mystère ! « Pas de transaction » le président du gouvernement tunisien n’a cessé de marteler devant les élus Constituants.

   La vidéo fait-elle partie du mauvais traitement infligé à l’extradé le sommant de s’exprimer publiquement sur les conditions de sa détention conformément aux ordres de ses gardiens, ou fait-elle partie  d’un lot de remerciement au gouvernement Jebali qui a pris l’initiative de l’extradition en laissant la télé naissante « Zitouna » réaliser un scoop, sachant qu’elle appartient au fils d’un des ministres du même gouvernement ? Comment les contacts pour toutes ces faveurs se sont établis afin que ce scoop soit réalisé ? Qui est intervenu ? Nous ne saurons rien !

   Sans doute, si Baghdadi Mahmoudi avait l’intention de faire une déclaration publiquement et sérieusement, il aurait cherché plutôt à ce que sa cause soit entendue par le maximum de personnes. Il aurait cherché à joindre, bien entendu si les moyens lui étaient donnés, une chaîne de télévision connue par un large public. Des télés bien connues sont nombreuses, qu’elles soient arabes ou occidentales.  Il aurait certainement préféré se taire, en évitant surtout  de donner le coup de pouce au fiston d’un ministre de l’actuel gouvernement tunisien responsable de son extradition non désirée.  

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