Noureddine Bhiri: Humeurs, états d’âmes, parades et rappels erronés de quelques principes.

Salah Ben Omrane  , 29 août 2012 – 17:30

      « Le tribunal militaire de Tunis, qui examinait, depuis le 10 juillet, l’affaire du « complot » dans lequel étaient impliqués des responsables et des militants du mouvement islamique clandestin Ennadha, a rendu un verdict sévère, vendredi 28 août, en prononçant une trentaine de condamnations à la prison à vie. Les juges n’ont cependant pas suivi le procureur militaire qui, dans son réquisitoire, avait demandé la peine de mort pour 19 des 171 inculpés. »

   Cette information est parue un jour comme celui-ci , un 29 août 1992 dans le Journal Le monde . Le même journal mentionnait quelques noms des condamnés dont celui de Rached Ghannouchi, indiquant qu’il était en fuite, de Mohamed Chemmam,,  Salah Karkar, Habib Mokni , et d’autres . C’était les poursuivis d’hier!

   À cette date , il n’y avait pas eu de ministre de la Justice qui prêtait sa voix aux micros des ondes radio, affirmant que celui qui s’oppose aux décisions de justice , n’a qu’à se prêter aux règles de la même justice inscrites dans la loi .

   Si Rached Ghannouchi , pendant qu’il était en fuite, avait entendu à l’époque un ministre de la Justice tunisien prononcer des paroles, telles que celles prononcées par l’actuel ministre de la Justice , Noureddine Bhiri , il aurait mille fois raisons de s’en méfier voire même de rire aux éclats. 

 Voici la traduction de la déclaration du ministre de la Justice , Noureddine Bhiri (en bleu gras) avec mes commentaires :

 « L’émission d’un mandat de dépôt à l’encontre de Sami Fehri, fait partie des milliers de mandats qui sont émis couramment. Je ne vois pas pourquoi  cela choque dans les pays démocratiques où la Justice est indépendante, sans que cela ne fasse de remous . »

Ce qui n’est pas choquant, pour un Tunisien, est que tous les régimes  à la tête de l’exécutif  en Tunisie, depuis que Bourguiba s’est emparé du pouvoir , affirment ,sans la moindre hésitation ,qu’ils sont à la tête d’un État démocratique. La courtoisie en cette matière de présentation ,veut qu’on attende que le label  » démocratie »  soit décerné par la communauté internationale. L’auto-présentation telle quelle , n’est pas de bon conseil.

 « Sami Fehri ou n’importe qui d’autre, n’importe quel citoyen tunisien, quiconque parvient à  sentir, c’est  à dire à estimer que la décision prise à l’encontre de ses droits ne correspond pas aux dires de la loi d’après lui, la loi lui garantit des procédures pour former un recours et lui accorde des garanties devant la justice sans qu’on touche à la réputation de la Justice et sans qu’on commette d’autres crimes . »

Pour monsieur le ministre , celui qui n’a pas les moyens de «  sentir, d’estimer que la décision de justice prise à son encontre… » , car il n’a pas les moyens en flouss pour faire opposition aux décisions de justice, ainsi que de pouvoir se payer des avocats pour faire éclater la vérité , il ne lui reste que les yeux pour pleurer. La justice doit être juste dans toute démocratie et n’attend pas que le justiciable ait des sensations.

 « Car mettre en doute la justice ou pratiquer ou exercer des pressions médiatiques ou politiques qu’elles soient de de l’intérieur ou de l’extérieur, constitue un crime suivant la loi. »

Mettre en doute la justice n’est pas un délit et encore moins un crime. Sauf évidemment dans les pays qui vivent sous une dictature. Il faut déjà noter qu’il y a une différence entre un crime et un délit.

Il n’est pas interdit non plus de commenter une décision de justice. Sous une dictature , il y a le risque d’aller en prison quand le commentaire ne plait pas aux tenants du Pouvoir.En revanche ce qui est condamnable est le fait de jeter le discrédit, publiquement par actes, des paroles, des écrits ou des images de toute nature, sur un acte ou une décision de justice, dans des conditions où cela porte atteinte à l’autorité de la justice , à son indépendance.

 « Lorsque plusieurs personnes sont touchées cela devient un épouvantail. Je dis que ces épouvantails ne changent rien aux cours des choses. Ce qui peut changer est l’application de la loi. »

 « Si Dieu le veut, la prochaine fois, si nous recevions Belhassen Trabelsi, vous ne nous diriez pas: vous l’avez amené pour régler des comptes politiques. »

Laissons Dieu tranquille , et montrez au peuple que vous faites au mois l’effort d’amener le principal accusé , au moins faites semblant de le faire , qui est Ben Ali. Faites connaitre  publiquement vos démarches auprès de l’Arabie Saoudite à ce sujet et on dira que vous êtes courageux . Avez vous lancé des ultimatums en direction de ce pays pour qu’ils le renvoient ? Car il n’est pas de nationalité britannique à ce que je sache , il est bien en possession de la nationalité tunisienne.

 « Ce que je dis, est que c’est l’intérêt de notre pays! L’intérêt de notre peuple ! Notre effort de réaliser la démocratie dans notre pays, exige le respect des institutions étatiques et exige de celui qui n’est pas d’accord avec un jugement, n’est pas satisfait, à qui cela ne plait pas, puisse le contester par les voies légales, loin de toute tentative de pression . »

 « Il peut y avoir plusieurs manifestations, même en millions pour libérer un individu, que  si l’individu ne mérite pas qu’on le libère,  il ne sera pas libéré, peu importe le prix . »

Il n’y a pas de gens qui méritent ou qui ne méritent pas qu’ils soient emprisonnés, ou qu’ils soient libérés . Il y a des faits. Lorsque ces faits sont condamnables par la loi , ceux qui les commettent doivent être jugés . Le mérite n’a rien à voir avec la justice . C’est un domaine d’application de la loi.

 « Aucun individu n’est visé pour sa vocation,  pour le fait qu’il soit journaliste, qu’il soit de l’opposition, qu’il soit marxiste,  qu’il soit salafiste ou Nahdaouiste. Personne au dessus des interrogatoires . Que cette personne fasse partie de ceux qui jugent ou de celles qui sont jugées  juges. Qu’elle soit d’Ennahda, du salafisme, de la gauche, de la droite, des avocats, des journalistes, ou des juges. »

c’était hier, sur Shems FM :

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