Précisions publiques à propos du mandat de dépôt de Sami Fehri

Salah Ben Omrane  30 août 2012   13:34

     Le juge n’est pas contraint par un horaire précis , ni par un jour particulier, férié ou non, pour émettre un mandat de dépôt à l’encontre d’un individu. Le jour où les délinquants et les criminels se reposeront le dimanche et respecteront les premiers, les horaires de travail avant de commettre leurs méfaits, il y aura une chance que les juges accordent leurs horaires avec tous.

 Le juge est « libre » de décider de l’enferment d’une personne sans qu’il soit dans l’obligation de solliciter l’avis ou le consentement de cette personne ou de son avocat .

 Il est libre de décider de l’opportunité de cette mesure, y compris lorsqu’il s’agit d’une enquête en cours . Il peut décider de cette mesure, pendant l’enquête , peu importe sa longueur et le nombre de pages, à son début ou à sa fin .voire même plusieurs jours après la lecture d’un dossier.

 Trois mille pages à lire, n’intimident pas un juge . Il est libre de lancer un mandat de dépôt contre un individu, peu importe le volume, le poids du papier ou  la longueur du récit entre ses mains.

  Nous pouvons dire donc , que le juge qui a décidé d’enfermer Sami Fehri, sur les points évoqués qu’on lit ici et là  , n’a fait aucune entorse à la loi.

 Le pouvoir du juge est ainsi fait . Il est immense! Il  peut décider d’enfermer une personne, tout en se gardant d’exposer ses propres motivations, ses propres convictions, et sans avoir l’obligation de les rendre publiques. Le contraire donnerait une justice spectacle pour les médias, avec des juges qui affineraient leurs arguments pour motiver leurs décisions au public, au lieu de se consacrer à l’intérêt de l’enquête.

 Cependant, il arrive que de nombreux individus soient victimes d’un enfermement dit abusif par le pouvoir d’un juge. Généralement, ces individus n’ont droit à aucune ligne dans un journal. Ils ne bénéficient même pas du centième de couverture médiatique dont a bénéficié Sami Fehri. Tant mieux pour lui ! Mais cela n’a pas que des avantages pour le mis en cause lorsqu’il est une personne connue publiquement. Célèbres ou pas, les conséquences de la privation de liberté chez eux, et dans leurs familles , engendrent un traumatisme avec parfois des conséquences désastreuses.

 C’est peut-être évident théoriquement de le dire mais il n’est pas si simple en réalité, lorsqu’on dit que Samir Fehri doit être traité comme tout le monde. Car , il n’est pas un individu anonyme. Il est une personnalité médiatique. Il est un citoyen qui doit répondre devant la loi, sans que cela ne choque quiconque, mais, il a autant le droit comme tout un chacun, de bénéficier de la protection de la loi.

 Malheureusement nous sommes dans un mode de fonctionnement dans lequel la justice ne fait pas exception, où  l’argent permet la  protection avec un peu plus de confort les riches . L’argent permet de faire éclater la vérité comme à l’inverse, il permet de l’enfouir au plus profond de la terre.

 Que ceux qui se mobilisent pour la cause de Sami Fehri poursuivent leur mission. Ce qu’il faut espérer de cette mobilisation , qu’il y ait des miettes qui tombent dans la bouche des nombreux pauvres et démunis en conséquence de cette mobilisation. Tous les sans voix qui espèrent que le cours de la justice change mais qui n’ont aucun moyen pour exprimer leurs voeux.

 Si un débat public doit avoir lieu, il devrait concerner entre autres, les causes suivantes, car elles sont au cœur même du sens de la justice transitionnelle :

– Pour une protection juridique pour tous par la loi, sans que l’argent ne soit la locomotive des procédures et de l’opposition aux abus.

 – Pour une séparation entre le juge en charge de l’enquête et  le juge exclusif qui décide de la mise en dépôt d’un individu , quand ce dernier estime  que c’est nécessaire. Ceci, pour éviter que la décision d’enfermement ne souffre pas  d’une perception passionnée de l’affaire par un juge unique.

– Pour une fixation de contraintes réelles et effectives dans le pouvoir du juge , au coeur de sa prise de décision, lorsqu’il émet un mandant de dépôt contre une personne. Que cette décision soit prise dans une neutralité absolue et humaine , sans qu’elle soit un geste administratif anodin ni automatique .

 – Pour une mise en place de conditions humaines durant la période de privation de liberté de tous avec l’obligation pour le juge qui décide de l’enfermement, d’effectuer un nombre de visites requis annuellement dans les lieux de détention.

 – Et surtout, pour un remise en cause du sens de  la privation de liberté .Que la mise en dépôt ne soit jamais sous la forme d’une « avance  » sur une future peine qui serait éventuellement prononcée dans un tribunal . La privation de liberté lors de l’enquête doit avoir le sens de protection de l’enquête, de la protection des témoins dans l’enquête, de la protection de la société si l’individu est estimé potentiellement dangereux , ou de la protection  de l’individu contre d’éventuels dangers qui peuvent nuire à sa personne.

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Un commentaire pour Précisions publiques à propos du mandat de dépôt de Sami Fehri

  1. « (…) Le contraire donnerait une justice spectacle pour les médias, avec des juges qui affineraient leurs arguments pour motiver leurs décisions au public, au lieu de se consacrer à l’intérêt de l’enquête. »

    Le contraire donnerait aussi du fil à retordre à un juge qui devrait alors exposer les raisons douteuses d’une incarcération : exemple un coup de fil émanent de l’autorité exécutive ! Vous avez raison de souligner que le caractère abusif de la procédure aurait pu causer des préjudices à des citoyens plus fragiles et moins médiatisés que Sami El Fehri, par contre la vraie info derrière cet acte à l’encontre du dernier c’est bel et bien une atteinte flagrante à la liberté d’expression : l’exécutif n’aime pas la caricature politique alors il sévit par la voie du judiciaire !

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