Salah Ben Omrane 19 décembre 2012 22:24
Sidi Bouzid a connu lundi dernier, une visite éclair de deux piliers de marque du pouvoir central actuel tunisien, supposé être un pouvoir provisoire : Moncef Marzouki, chef de l’État et Mustapha Ben Jaâfar, président de l’Assemblée Constituante.
Hamadi Jebali , le président du gouvernement s’en est excusé, invoquant une grippe qui justifie son retrait de l’expédition spéciale à destination de cette ville du centre du pays. Une ville pas tout à fait refroidie. Elle n’est même pas tiède, depuis qu’elle a connu l’immolation par le feu de son fils Mohamed Bouazizi ,voici deux ans déjà . La vidéo en bas du présent article témoigne de la chaleur dans la qualité de l’accueil qui a été réservé aux visiteurs de prestige qui sont apparus sur la tribune et qui a été aménagée spécialement pour la circonstance.
La première remarque qui saute aux yeux est qu’il n’y a pas une seule femelle visible sur toutes les photos qui illustrent cette tribune. Les fanfaronnades sur la parité qu’on avait connues au lendemain du 14 janvier 2011, se sont toutes éclipsées. Il n’y a plus de quoi se vanter en racontant des sornettes à l’étranger , en affirmant que la femme tunisienne est active partout. On est en présence d’une affaire d’hommes, cette politique commémorative de la TroIka . Les femmes sont restées à la cuisine ou peut-être à s’épiler les sourcils en attendant le retour de leurs mâles glorieux, devenus des héros depuis le 23 octobre 2011.
Deuxièmement , on voit que les organisateurs de cette manifestation rendez-vous, ont opté pour faire disparaître la langue française au profit de la langue anglaise. Il est écrit ceci au fond de la tribune : « الدورة الثانية للمهرجان الدولي لثورة 17 ديسمبر »
« The second International Festival Of the December 17th Revolution«
C’est une initiative qui a dû être méticuleusement réfléchie pour, à la fois piétiner l’héritage culturel tunisien qui a toujours placé la langue française au second rang, après la langue tunisienne, et en même temps, faire un pied de nez à tous les francophones qui font écho et résonance des révoltes des Tunisiens contre la fermeture, l’obscurantisme et la dictature. L’hostilité des islamistes, maîtres des lieux dans un provisoire qui dure, envers la langue de Molière, n’est pas un secret. À moins que l’initiative de mettre l’anglais au second rang, soit un message, une geste de remerciement adressé à l’empire britannique fait par le Président Marzouki et de quelques uns des ministres qui l’avaient accompagné, souvenons nous, lors de son discours , il y a quelques mois, au Palais de Westminster , lorsqu’il avait été accueilli par Claude Bartolone ?
Les habitants de Sidi Bouzid n’avaient même pas le cœur pour se divertir ce jour là. Ils ont refusé d’écouter les interventions en provenance de la tribune qui surplombait la rue. Ils ont répondu par des « dégage », des huées en sifflets et des jets de cailloux. Il ont refusé d’apprécier le spectacle proposé par les politiques qui venaient d’effectuer le déplacement. Pas de divertissement ni de rigolade !
Pourtant il y a matière à éclater de rire, lorsqu’on entend Moncef Marzouki déclarer :« La révolution n’est pas un bouton sur lequel on appuie pour passer de l’obscurité vers la lumière » ou Mustpha Ben Jaâfar qui enchaîne : « Le monde nous regarde aujourd’hui. Le monde attend que nous soyons à la hauteur des sacrifices donnés par le peuple tunisien avant la révolution , pendant la révolution »
Il est compréhensible qu’il soit difficile de les arracher de la situation peu enviable de leur région avec un fort taux de chômage persistant . On dira que le spectacle était mauvais et que ses organisateurs se sont fourvoyés.
C’est toujours amusant de voir des gens bien nourris bien lotis, venir parader en fanfare, d’expliquer avec audace le sens de la patience à des gens qui n’ont pas d’emplois et qui n’ont même pas de quoi calmer l’estomac .
Pendant ce temps là , pas seulement les habitant de Sidi Bouzid , toute la Tunisie réunie ne pense qu’à une chose : au gendarme Anis Jelassi tué lors des affrontements près de la frontière algérienne par des trafiquants d’armes, il y a une semaine . La paie mensuelle de ce gendarme ne dépassait pas les 700 dinars par mois. Cette somme équivaut aux poussières après la virgule des 10.000 dinars, qu’encaisse par mois, la vice présidente de l’Assemblée constituante Mahrzia Laâbidi.
Il est où le bouton qui a permis d’avoir une paie de 10700 dinars ? Il existe bien ce bouton qui permet de sortir de l’ombre vers la lumière ? Il aurait suffi à Moncef Marzouki de montrer ce bouton aux habitants de Sidi Bouzid pour que tout le monde appuie dessus, et ainsi l’affaire se règle en un seul clik , comme elle s’est réglée pour le nouveau clan au pouvoir , qui était bien à l’ombre pendant les manifestations contre Ben Ali et les Trabelsi !
♦○•○♦○•○♦○•○♦