Salah Ben Omrane 19/12/2013 00:17
En mai dernier, L’UNESCO, par la voix de sa directrice générale, Irina Bokova, a applaudi la création d’une autorité indépendante, non gouvernementale qui devait superviser le paysage audiovisuel en Tunisie. L’annonce s’était faite lors de la journée internationale de la presse qui a eu lieu en Tunisie. Un mois plus tard, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) a vu le jour.
Cette instance a été créée conformément au décret 116 du 2 novembre 2011. Pour dire qu’elle ne doit rien aux deux gouvernements qui ont succédé à celui de Béji Caïd Essebsi. Elle doit garantir la liberté de communication par l’audiovisuel, veiller au pluralisme dans le flux des transmissions, et surtout encourager la diversité dans les contenus des programmes.
L’instance, présidée par M.Nouri Ellajmi, est une nouveauté pour la Tunisie. Un organe sans infrastructure matérielle conséquente en équipements et à la hauteur de la tâche qui vient de lui être confiée. Elle doit répondre à sa mission de « gendarme » qui veille sur le contenu et la nature du flux en informations transmises sur les ondes en direction des foyers tunisiens. Le plus éprouvant pour l’instant, consiste à se faire une place en prenant la place et le lieu des grandes décisions en matière de l’audiovisuel, service public, qui étaient jadis prises en toute opacité au sein des gouvernements.
Elle a retroussé ses manches, dès sa mise en place le 3 mai dernier en s’attaquant à la remise en en question de la nomination des PDG de la radio et de la TV publiques qui avaient eu lieu au cours de l’année 2012. Le gouvernement Jebali, avant celui de Laaradyedh qui en avait pris le relais, s’était précipité dans les nominations des PDG alors que la HAÎCA était dans les tuyaux des prochains décrets. Si ce nouveau organisme de gestion et de contrôle du paysage audiovisuel avait une existence juridique, il aurait été inconcevable que le gouvernement intervienne directement dans le secteur, surtout procéder lui même et arbitrairement aux nominations, sans que cette opération ne soit dirigée par la la HAÏCA elle-même.
Cette instance a engagé la bataille pour remettre en question ces nominations. Elle n’accepte pas qu’elle soit privée d’une de ses fonctions essentielles qui consiste à choisir les PDG des radions et TV. Elle ne trouve aucune explication qui puisse légitimer l’empressement du gouvernement de la Troïka qui lui avait emboité le pas à part que de lui fournir de quoi tester ses dents de lait et sa promptitude à avaler les couleuvres. Cette manoeuvre a laissé la HAICA taper des pieds, crier au scandale, hurler à qui veut l’entendre que ce n’est pas du jeu. que ce n’est pas de la transparence, que c’est anti-démocratique, que les voies du recrutement n’ont pas été respectées, que la séparation entre l’État et le service public est un pur mensonge, et enfin que la liberté d’informer est séquestrée par le gouvernement.
Bref des cris d’horreur qui amusent et font rire en premier les nouveaux nommés aux postes de directions dans l’audiovisuel et en second lieu ceux qui les ont placés. Ils savent tous qu’il n’y a même pas de bras de fer qui peut se jouer en tout équilibre, entre la HAICA et le gouvernement dans cette affaire de nominations arbitraires. Ben ALi pouvait le faire et ça marchait bien , il n’y a pas de raison pour que ses remplaçants ne fassent pas la même chose! C’est ce qu’on peut déduire du comportement traditionnel gouvernemental par ces nominations.
Puisque la HAICA a osé lever la voix, le gouvernement lui a laissée, en cadeau de départ de quoi l’occuper. Elle devra se battre contre une notification gouvernementale qui concerne la liberté d’informer.Elle est celle-ci :
le contenu traduit de cette récente note:
« Le ministère des affaires religieuses informe tous les canaux radiophoniques, télévisuels et les sociétés de production de l’audiovisuel privées qui comptent :
– Enregistrer et diffuser les prêches du vendredi;
– Enregistrer et filmer les cours dans les espaces religieux;
– Faire des investigations et des reportages de presse dans les espaces religieux;
Photographier les espaces religieux;
Que toutes ces activités dépendent d’une autorisation au préalable que délivre le ministère des affaires religieuses, afin de faciliter les procédures et garantir le bon exercice de sa mission.«
copie image du communiqué du ministère des affaires religieuses :
Comme chez les alcooliques, difficile de tenir l’engagement de laisser en paix la bouteille, la censure est également l’une de ces teignes qui collent aux dictatures et aux régimes qui s’accrochent au pouvoir par la ruse et par la terreur. Ils ne peuvent pas s’en passer. Ils y reviennent même après avoir juré de ne plus y toucher. Pour qui, il n’y a de droit d’informer le public, que lorsque la tête de l’informateur leur revient et que le journaliste sue en escaladant les marches de l’escalier d’un ministère pour quémander une autorisation. C’est une victoire d’avoir des journalistes à leurs pieds et qui tuent le temps dans l’attente qu’une porte veuille bien s’ouvrir pour leur tendre un bout de papier avec un cachet baveux, comme on l’aime dans les pays où l’administration est une autorité qui se craint et un pouvoir qui en a cure du respect.
Il y a des pays qui protègent leurs sites nucléaires de l’intrusion des journalistes non accrédités. D’autres protègent leurs établissements scientifiques, leurs têtes savantes et leurs formules mathématiques qui font tourner le monde et leurs découvertes technologiques qui leur assurent la place de maitres du monde et qui continueront à le faire tourner. Dans cette course de la modernité et de la protection de l’information, le gouvernement tunisien vient d’apporter sa pierre à l’édifice en s’interposant pour rendre public l’accès à ses prêcheurs du vendredi. Il n’y pas de quoi rire ! Chacun protège ce qu’il a de précieux.
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