Salah Ben Omrane jeudi 2 janvier 2014 19:14
Il y a de l’agitation dans la rédaction de la constitution tunisienne, en ce début du mois de janvier.
Cela ne concerne pas tout à fait l’écriture proprement dite. Le public peut se rasseoir. Ce sont des affaires qui ne le concernent pas. C’est du moins ce qu’on peut en déduire par sa tenue à l’écart par les protagonistes, les vrais acteurs, les seuls concernés par la rédaction de la constitution.
Il est questions « d’accords consensuels » entre intéressés. Le large public, comme on pouvait s’y attendre, est tenu à l’écart. N’allez pas chercher le contenu de ces fameux « accords consensuels », vous ne le trouverez pas. Aucun document de ce genre n’est à portée de main du public. Pourtant, des informations de ce genre rendraient bien service à tous les démocrates qui voudraient participer au débat public sur la constitution et à tous les passionnées par la relation entre un peuple et l’imaginaire des concepteurs dont ils sont issues de ses rangs. Pas un os à ronger pour le commun des mortels! Le Tunisien lambda, n’est tenu informé que sur les déplacements des uns et des autres pour des réunions qui n’en finissent pas de se tenir à l’assemblée ainsi que hors de ses enceintes. Tout cela est rythmé par des déclarations des gens, du milieu autorisé, acteurs dans ces réunions, qui tendent à rassurer l’opinion publique. C’est ainsi qu’on a appris grâce à eux qu’on va avoir une constitution encore plus démocratique que celle du projet du 1er juin 2013.
( Ajouté le 04/01/214 :Le site de l’assemblée constituante vient de mettre en ligne Le contenu des modifications enregistrées par la commission consensuelle . Le lien . )
Tant pis pour ceux qui refusent de les croire. De toute manière, les incrédules n’auront pas le choix. Pire, il ferait mieux de fermer le clapet, car à cause d’eux et de leur « chahut »en revendications, ils sont capable de vexer les chargés de la rédaction de la constitution et ces derniers peuvent remettre encore la situation dans laquelle le majorité du peuple est prise en otage avec le chantage suivant : « Sois tu acceptes la politique du fait accompli par nos décisions et on continue à travailler sur ce qu’on veut, à notre rythme, à notre convenance et comme on voudrait, soit 0n remet au placard l’écriture de la constitution et on va rigoler quand tu nous verras nous occuper des Hammams et du style d’art qu’il faut accrocher dans les maisons de culture!. On chargera des troupes dans la rue qui vous feront une leçon sur la légitimité, si c’est nécessaire » .
Quant à ceux qui voudraient au moins revoir une séance de l’assemblée plénière filmée par la télé publique, il leur faut attendre au moins deux mois pour qu’elle soit rendue visible sur le site de l’assemblée constituante. Aucun des sites des organisations, dites pour la promotion de la transparence, qui sont attelées à l’assemblée, n’a remédié à cette carence. Bien entendu si le mot « carence »sied » à la situation.
Faisons malgré tout, le point sur la situation.
Il y a un matériau de base qui est le projet de la constitution du 1er juin 2013
Il y a un objectif: Fin définitive de la rédaction de la constitution le 12 janvier 2014 .
La procédure de son adoption est supposée se dérouler de la manière suivante:
Au lendemain de cette fin de rédaction( 12/01/2014), elle fera l’objet d’un vote par l’assemblée constituante. Si elle est approuvée par une majorité des 2/3 des membres, elle est considérée comme étant définitive, mais si elle ne recueille que l’approbation d’une majorité relative, il est prévue qu’elle sera soumise au peuple par la voie du référendum. Ce qui signifie, toute autre élection est écartée tant que la constitution n’est pas adoptée.
Entre temps, en toute logique, il y a la procédure de soumission du contenu du projet du 1er juin 2013, article par article, devant l’assemblée plénière.
Nul doute que cette procédure réglementaire a pour risque, que les constituants eux-mêmes, redoutent en premier, est qu’on peut déjà avoir la certitude de la date de l’ouverture des débats en plénière, mais aucun ne peut pronostiquer le jour où toutes les voix s’essoufflent. Cela peut durer une semaine mais il n’y a pas de certitude que cela ne durera pas trois ans encore. Mettez une télé et mettez une caméra qui fait de la transmission, et vous verrez le résultat en jaillissement des égos qui deviennent intarissables.
Cet impératif de fixation du délai de présentation de la copie définitive de la constitution, a été décidé par une commission extérieure à l’assemblée constituante, appelée la commission du Dialogue national. Cette dernière est née, après la crise politique en conséquence de la gestion de l’affaire de l’assassinat de Mohamed Brahmi le 25 juillet 2013. Plus que 50 constituants avaient déserté les bancs de l’assemblée au lendemain de l’assassinat, en se constituant en nouveau front, mettant en cause l’assemblée des constituants et le gouvernement dont il est issu. Des organisations nationales, à son sommet l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), accompagnée par l’organisation patronale tunisienne (UTICA) , la ligue des droits de l’homme (LTDH) ainsi que l’Ordre des avocats tunisiens, ont vite pris l’initiative d’offrir leur bienveillance morale et logistique pour que la commission du Dialogue national soit le lieu des accords entre partis politiques pour faire passer le cap de la crise qui ronge le pays dans un provisoire qui s’éternise mais qui ne semble nuire à quelques-uns . Les principaux accords trouvés dans le nouveau groupe du Dialogue national , peuvent se résumer de la manière suivante:
– Désigner un nouveau gouvernement sous la responsabilité d’un nouveau chef ( Qui a fini par être trouvé après plusieurs reports sur reports de réunions :Mr Mahdi Jomâ).
– Finir la rédaction de la constitution dans un délai fixe au cours des prochaines semaines.
– Définir une date précise, qui devra être au cours de l’année 2014, pour les prochaines élections législatives (voire présidentielles si la constitution l’indique ainsi)
– Défaire l’association « Ligue de protection de la révolution ».
– Geler les nominations en cours dans l’administration publique.
– Appuyer la Commission des consensus dans l’écriture de la constitution à l’intérieur de l’assemblée constitutionnelle.
Comment tenir l’engagement de terminer la rédaction de la constitution à la mi-janvier 2014 ?
Il y a deux difficultés majeures pour y arriver:
1) L’insertion dans les débats des amendement proposés par les constituants eux-mêmes et qu’ils avaient déposés, en respectant la date butoir, ce avant le 30 décembre 2013 .
À ce sujet ,il y a environ 250 amendements . On peut dire qu’il y a une bonne partie de ces amendements; qui fait la sourde oreille à l’avancement des travaux de rédaction des projets successifs, sans aller jusqu’à l’ignorance totale des échos en retour en réactions aux dernières versions écrites. Les avis et les remarques de Commission de Venise sont totalement ignorés.
Voici un florilège en exemples de ces amendements (traduits et le stabilotage est de Abdoulellah) :
article 1 (page 5) version amendée
« La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion ,source principale de sa législation , l’arabe est sa langue et la république est son régime. »
Une autre proposition pour le même article :
« La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe est sa langue, la république est son régime,
le Coran et la Sunna sont sources principales de sa législation. »
article 30 (‘page 7)amendement proposé:
« La liberté d’avis, de la pensée, de l’expression, d’information et de diffusion sont garanties.
Il ne peut être limité à la liberté de l’expression d’information et de de diffusion que par la loi qui protège les droits d’autrui , leur réputation , leur sécurité et leur santé.
Et il est interdit de toucher aux sacrés qui sont : la divinité , le bienfaisant coran et le bienfaiteur prophète.
Il ne peut y avoir un contrôle au préalable sur ces libertés. »
Article 60 (page2 ) amendement proposé:
« Le vote à l’assemblée des élus est personnel et ne se fait pas par procuration.
Pour protéger les droits des élus, il perd son titre de membre de l’assemblée si le concerné change
la qualité pour laquelle il avait été élu.
Cette décision englobe les situations suivantes :
1.S’il change son appartenance partisane ou s’il a abandonné son appartenance à un courant politique au nom duquel il s’est fait élire dans des listes indépendantes.
2. S’il a été renvoyé de son parti conformément au règlement intérieur en vigueur ou dans la liste sur laquelle il a été élu.
3. S’il a changé sa qualité de candidat dans une liste d’indépendants qui n’appartient ni à un parti ou un courant politique. ( ma note: il faut oser faire des suppositions de la sorte) et qu’il devient membre d’un parti ou d’un courant politique. »
article 49 (page 33) amendement proposé :
« changer « l’assemblée des élus du peuple » par « assemblée du peuple » partout où cette expression apparaît.«
2) Les amendements de la commission des consensus.
Cette commission regroupe différentes formations politiques (majorité , opposition et indépendants). Elle s’est donnée pour tâche d’inscrire en commun, dans le cercle de la commission, la matière et contenu sur lesquels il y a un consensus , figer le contenu des consensus, le présenter à l’assemblée comme étant une avancée dans l’écriture qui ne devient plus matière à discussion. Sauf que le résultat est contraire à la mission et à l’éthique du constituant.
Si cette commission poursuit son travail au delà du 30 décembre 2013 , qu’elle est appuyée par la commission extérieure à l’assemblée, celle du Dialogue national, elle rencontre quelques obstacles :
– Le règlement intérieur de l’assemblée ne prévoit aucun privilège de la sorte à une telle commission. Le principe du règlement est que tout doit être mis sur la table devant les constituants en assemblée plénière et qu’il peut faire l’objet de discussion .
Comment sortir de l’imbroglio en faisant admettre à tous constituants l’efficacité du principe de l’avancement à géométrie variable ? Va-t-on toucher au règlement intérieur si souvent pendant l’écriture de la constitution.
Un autre souci qui n’est pas moins problématique que le précédant, consiste à rechercher la formule d’indication de l’attribution des travaux de la commission des consensus, car les statuts dont disposent l’assemblée en matière de proposition de lois et d’amendements, ignorent ce que veut dire commission des consensus.
Bref rien n’annonce de bon pour finir la mission d »écriture de la constitution avant 13 janvier 2014. Au final , heureusement que la commission du dialogue national peut à tout instant reprendre la main et veiller au grain. Une commission qui en plus, ne coûte pas un sous pour l’État. Au point où l’assemblée constituante s’est embourbée dans l’application de ses propres lois-contraintes, sans oublier qu’elle a déjà depuis belles lurettes (23 octobre 20112) perdu toute légalité pour rédiger la constitution, il n’est pas exclu que les travaux d’écriture finissent par être dirigés par la commission du dialogue et cesser ainsi de ménager des missionnés qui n’ont fait preuve que d’échec sur échec dont une bonne s’est révélée incompétente pour rédiger une constitution alors qu’elle avait été élu pour cette tâche. Leurs électeurs peuvent se taper la tête contre le mur de l’assemblée à souhait. Mes excuses, quelqu’un me murmure à l’oreille que c’est déjà fait!
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