Salah Ben Omrane 09 mai 2014 10:00
Presque un an, jour pour jour, Moncef Marzouki s’était déjà déplacé à Jbel Châmbi, à la rencontre des troupes de l’armée et de la sécurité civile, installées au pied de ce mont et qui tentent par leurs moyens, de reprendre le contrôle dans cette région forestière. « N’ayez pas peur de ces terroristes !, » avait répété plusieurs fois M. Marzouki, au cours de son speech en plein air, voici déjà un an.
Trois mois plus tard, le 29 juillet 2013, les terroristes Jihadistes qui avaient élu domicile dans cette région, ont fait démonstration de leur capacité de frappe ensuite de repli avant de se terrer dans ce territoire tunisien qui jouxte la frontière algérienne. Ils ont prouvé leur capacité de commettre les pires atrocités qu’une organisation criminelle et terroriste puisse faire. Ce jour-là, une dizaine de soldats ont succombé à leur traquenard et qu’ensuite ils les ont soustraits de leurs armes, vêtemetns et uniformes, allant jusqu’à pousser la perversion dans le crime, en décapitant la tête de certains des soldats tombés dans ce piège.
Par ce crime atroce, une nouvelle étape dans la terreur de la population, venait d’être franchie. De même, le message des terroristes criminels ne pouvait pas être plus clair, sur leur identité et sur leurs intentions sanguinaires. Par l’horreur, ils ont fait passer le message que le processus de la normalisation de la violence meurtrière, étaient bien au rythme qu’ils voulaient, sur le chemin qu’ils souhaitaient, avec les cibles qu’eux-mêmes choisissaient et qu’ils ne craignent ni la loi des hommes ni celle de Dieu. Ils se sont pris à des soldats, chargés de la défense nationale dans la première institution de l’État, l’armée, et qui avaient pour charge la population de la population. Un crime, certes d’après leurs calculs, qui devait faire basculer la Tunisie dans le giron des pays de la lutte continue entre clans et diverses factions. La Syrie actuelle est une illustration de leur rêve. La signature du crime par la décapitation des têtes, devait faire admettre par tous que de la Syrie jusqu’à la Tunisie, il s’agirait d’un même conflit, d’un même combat et sous la même autorité et le même financement.
Au désespoir de ceux qui avait cette visée et ce projet, qui sont également les recruteurs des jeunes Tunisiens vers la Syrie, l’homogénéisation n’a pas pris et cette pratique criminelle n’a pas rencontré en Tunisie un terreau favorable pour se greffer et s’insérer dans les conflits politiques. La configuration du paysage politique en Tunisie s’est révélée inadaptée pour de tels projets, qui par principe, font négation du particularisme de l’Histoire de la Tunisie et de l’identité de ses hommes et femmes. Il s’est avéré que la société tunisienne avec ses responsables politiques, dans leur majorité, n’ont nullement besoin qu’on leur apprenne ou qu’on leur indique une conduite à tenir pour faire la différence entre « adversaires politiques » et « ennemis politiques », combien même ces même responsables se définissent et se situent dans des camps bien lointains et opposés.
Avant hier, Moncef Marzouki a itéré sa visite à Jbel Châmbi. Il a communiqué sur son déplacement dans cette montagne qui regorge de toutes sortes d’herbes, des médicinales jusqu’aux plantes euphorisantes. Sur le site de la présidence, il y a en ligne, une vidéo souvenir, où on voit le président sortir d’un hélicoptère avec ses pales qui brassent de l’air et sur un rayon assez large. Il en a profité pour lancer un message aux terroristes tapis dans la région.
(Traduction par nos soins du discours de M.Moncef Marzouki ) :
» Votre guerre contre ce peuple et cet État est vaine. Vous ne gagnerez pas contre cet État! C’est un État légitime et non injuste. C’est un État qui mène la guerre contre l’abus et agit pour le bien de ce peuple. Bien entendu, l’État n’a pas tous les moyens et a besoin de beaucoup de temps pour réaliser tous ses objectifs, mais il est sur le bon chemin. C’est un État protégé par son peuple, car c’est un État de la moralité et des valeurs, donc votre guerre est un abus. Vous vous trompez! Vous vous trompez d’ennemi. Vous faites la guerre à un ennemi imaginaire. Contrairement à ce que vous croyez, vous ne serez pas des martyrs. Au contraire, vous allez mourir et avec beaucoup de regret, pendant que le peuple vous refuse. Je veux dire autre chose, à ceux qu’on a induit en erreur, si vous n’avez pas de sang sur les mains, si vous n’avez pas tué des Tunisiens, la porte de l’espoir est ouverte. La porte du pardon est ouverte. Nous sommes votre peuple. Des gens vous ont induit en erreur, laissez vos armes. Revenez à votre peuple. Nous avons décidé au dernier Conseil de sécurité, qu’il y aura des lois de grâce et des lois de pardon pour celui qui n’a pas tué un Tunisien, celui qui n’a pas les mais sales avec du sang. Tous ces gens ont encore une place parmi ce peuple. Pourquoi je dis ces paroles ? Non pas par amour pour ces gens, mais par amour pour leurs mères. Il y a une différence entre un soldat martyr pour le pays et le tueur qui tue, commettant le crime de tuer ce soldat, mais la mère de celui-ci et de celui-là sont pareilles. C’est une mère Tunisienne, pauvre, sur qui est tombée cette catastrophe. Donc par amour pour les mères, les soeurs et les épouses, on veut ouvrir la porte de la réconciliation à celui qui descend et laisse tomber son arme et retourne au sein de l’enceinte de la nation. Je m’adresse aux familles: faites attention à vos enfants. Ne laissez pas vos enfants vous embobiner. Ne laissez personne vous les emmener dans d’autres endroits, d’autres pays, faire la guerre pour des raisons qui ne nous concernent pas. Faites patienter vos enfants. il est vrai que le contexte est difficile. Il est vrai qu’il y a la pauvreté, l’ignorance et la misère, mais pour la première fois dans l’histoire de ce pays, il y a l’espoir pour qu’on sorte tous de la pauvreté, de la misère, de l’abus et de l’injustice. Ne laissez pas vos enfants emprunter ces chemins fermés qui ne mènent que vers le crime et la mort abominable et sans raison.’
Il y a à retenir que M. Moncef Marzouki n’a pas prononcé le mot « justice » dans son discours. Comme si l’institution judiciaire n’existait pas ou qu’elle n’avait pas son mot à dire sur le sort qu’elle réserve à tous ceux qui sont impliqués de loin ou de près dans le crime.
La nouvelle est qu’on apprend de la bouche du Président, qu’il y a des terroristes qui peuvent avoir les mains propres. Sauf qu’une telle définition du terrorisme ne colle pas quand on sait que dans une organisation terroriste, il y a un commanditaire, un financier, un planificateur, un artificier, un fournisseur de matériel, un guetteur et un exécutant. Seule la justice peut révéler qui a les mains tâchées de sang. seul un procès équitable peut révéler le degré d’implication de chacun. Qu’autrement, laisser aux terroristes de déterminer, s’ils ont les mains tâchées de sang ou non, est une violation de la mémoire des soldats tués et des droits de leurs mères à un procès équitable. Des promesses de pardon de cette nature est un déni de justice. Que dans une société démocratique qui fonctionne avec des lois votées dans un parlement, de telles promesses, même si elles sont tenues par le président de la république en personne, elles n’engagent que celui qui les prononce et certainement pas l’État tunisien. Ce n’est pas une une affaire de gamins qui avaient échappé à la vigilance de leurs mamans pour jouer à la montagne.