Salah Ben Omrane 12 décembre 2014 15:00
Le doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Tunis-Manouba, Habib Kazdaghli, professeur d’histoire, un érudit et passionné de l’histoire des minorités en Tunisie, a reçu le titre honorifique de Docteur honoris causa, ce jeudi 11 décembre à l’université Paris Ouest Nanterre.

Photo le milieu autorisé ©. De gauche à droite : Jean-François Balaudé, Eduardo Viveiros de Castro, ,Elizabeth Jelin, Daniel Cohn-Bendit, Habib Kazdaghli et Angela Davis
L’insigne prestigieux lui a été remis par le Président de l’Université Jean-François Balaudé. Une reconnaissance de haut grade par ses pairs, la grande famille de l’enseignement à l’attachement indéfectible et courageux aux valeurs humanistes du doyen et à sa défense magistrale et indéfectible du droit d’accès au savoir, à l’acquisition des connaissances pour tous, à l’abri de toute pression politique, religieuse ou toute forme d’aliénation. Dans son éloge de sa présentation prononcé par Florence Bellivier, Professeur de droit privé, il est dit : « Aujourd’hui, c’est à un homme de paix que notre Université attribue le grade de docteur honoris causa, Habib Kazdaghli, pris dans une autre tourmente que la guerre, celle qui a suivi la révolution tunisienne qui a débuté voici quatre ans presque jour pour jour.«
Cinq personnalités en tout ont reçu la précieuse distinction et mis à l’honneur au cours d’une cérémonie solennelle tenue dans la salle portant le nom de l’auteur dramatique français mort en avril 1989 : Bernard-Marie Koltès. C’est la huitième cérémonie qu’organise l’université et qui correspond à sa cinquantième année d’existence. Un lieu du savoir connu et reconnu pour son rayonnement dans les disciplines des sciences humaines et son ouverture sur le monde.Sans les citer tous, on se contente de mentionner quelque-uns de ses anciens étudiants: Nicolas Sarkozy, Olivier Besancenot et Dany en politique, l’historien Benjamin Stora, Eric Naullau, critique littéraire, la chanteuse Jeanne Mas, l’homme d’affaire Vincent Bolloré et le DJ David Guetta..
Il est aisé d’en déduire que par le tri des cinq personnalités, retenues pour la haute distinction, cuvée 2014, que le comité de sélection de l’université a opté pour la mise à l’honneur de « la pertinence humaniste » détectable chez les auréolés de la cérémonie. Honneur est ainsi rendu à la persévérance, la patience, à la loyauté intellectuelle, au courage et sans aucun doute à la modestie dans l’effort, principales qualités qu’on retrouve chez les personnalités épinglées par le comité de sélection.
Il y a Elizabeth Jelin, une sociologue argentine. Elle a vécu au Brésil, au Mexique et aux États-Unis où elle avait étudié la sociologie et obtenu son doctorat à l’université d’Austin dans le Texas vers la fin des années soixante. Depuis ces années-là, elle n’a pas ôté son pied de l’étrier de la recherche. Contexte oblige, assez riche en crispations dans les relations internationales, à cette époque particulièrement, elle s’est enracinée dans un engagement faisant de la sociologie un bel outil de réflexion et de perception des rapports humains. Elle mène depuis des travaux sur l’institution famille, les syndicats, l’immigration et la mémoire. Elle avait suivi les mouvements de protestations incessants dans les campus, organisés par les étudiants en opposition à la guerre du Vietnam. Les premiers mouvements féministes s’étaient fait connaître en envahissant la rue, pour la première fois dans l’histoire. Puis, pour qu’une jeune fille étudiante argentine soit bien enrôlée par la discipline qu’elle venait de choisir, il lui fallait un facteur objectif de déséquilibre et d’instabilité pour sa mise à l’épreuve: l’URSS et les États-Unis qui se disputaient l’affiliation─ chacun tirait dans son camp d’influence─ les pays du continent d’Amérique latine.
La Deuxième femme sélectionnée, bénéficie déjà d’une renommée internationale : Angela Davis professeur émérite de philosophie, d’« histoire de la prise de conscience » à l’université californienne de Santa Cruz et militante des droits de l’homme. Elle est célèbre pour son combat et son engagement avec courage, depuis les années soixante, ainsi que de son ardent militantisme contre la ségrégation raciale envers les noirs américains.
Elle est dans tous les fronts, engagée dans plusieurs combats et en lutte contre l’injustice institutionnalisée qui en fait des victimes aussi bien chez les populations noires que blanches.
Elle se bat pour les droits des victimes de guerres et n’a jamais cessé de dénoncer l’exploitation des faibles par la puissance du système à profit, qui sans scrupule ni décence, n’épargne même pas les lieux d’exécution des peines qui sont les prisons. Angela Davis est célèbre pour son activisme en continu avec pour objectif la suppression de la peine de mort dans tous les territoires des États-Unis.
Eduardo Viveiros de Castro, professeur d’anthropologie sociale à Rio de Janeiro, est le quatrième à avoir reçu le titre au cours de la cérémonie. Il est spécialiste des sociétés amérindiennes. Il a redéfinit les perspectives de l’anthropologie, en tant que discipline de recherche et d’observation, par un ensemble de travaux et réflexions sur la position de l’objet d’étude et de son observateur. Une rupture avec la traditionnelle anthropologie dite objectiviste, qui l’a amenée à pister la philosophie, pour confondre l’objet de l’étude anthropologique avec son témoin observateur et restituant. C’est pour son engagement dans des territoires géographiquement et théoriquement séparés, voire isolés, que le comité a semblé vouloir couronner en lui attribuant la distinction.
Daniel Cohn-Bendit, cette fois-ci a fermé la marche. On peut dire que Dany « joue à domicile » puisque c’est à la faculté de Nanterre même qu’il a fait ses études de sociologie et qu’en même temps, en 1968, il était déjà pointé du doigt par le pouvoir en place, en l’occurrence le ministre de l’intérieur, en agitateur et fauteur de trouble à l’ordre public. Le ministre de l’intérieur avait pris à son encontre une mesure d’expulsion et il n’a été mis fin à celle-ci qu’en 1978.
La réputation de Dany est qu’il se trouve là où on a besoin de son soutien et de son appui face aux aberrations administratives et au pouvoir des puissants. Doté d’un charisme oratoire et d’un talent à percevoir rapidement les lieux de griefs aussi bien dans les petites que les grandes causes, Il ne mâche pas ses mots pour s’attaquer à l’injustice. Ironie de l’histoire, le Président de l’Université Jean-François Balaudé en personne lui a fait son éloge dans la même université où il avait été expulsé jadis. Sans papier ni un pense bête, Dany a fait un discours très émouvant en égratignant ceux qui sont sur la scène politique aujourd’hui, de son point de vue de député européen . Le contraire cela n’aurait pas été du Dany.
Intervention de Daniel Cohn-Bendit:
Photos de la cérémonie
───────────────────────────────────────────────────────────────────────
Autres articles sur l’évènement :
► Celui de Habib Mellakh.
►Celui de Mohamed Larbi Bouguerra
► et celui du 18-12-2014 d’Anne-Marie Montebello