Salah Ben Omrane samedi 7 mars 2015 23:05
Penny Pritzker, Secrétaire au Commerce des États-Unis, est intervenue, lors de la conférence internationale sur l’investissement et l’entrepreneuriat, le jeudi 5 mars dernier à Gamarth en Tunisie. Elle a exhorté l’auditoire à s’engager vers plus d’échanges commerciaux entre les États-Unis et le Maghreb et d’apporter les soutiens nécessaires pour qu’il y ait davantage de partenariats.
Elle a fait un rappel élogieux du chemin que la Tunisie vient de traverser au cours des quatre dernières années, c’est à dire, depuis le jour où le jeune marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, s’est immolé par le feu, protestation tragique contre son empêchement de travailler. Sans oublier que c’est une autorité légale, qui l’avait réprimé, humilié et privé de son droit de vendre ses légumes, dans le seul but de pouvoir subvenir à ses besoins et ceux de sa famille.
Penny Pritzker a mis l’accent sur cet évènement, en l’érigeant en parabole au contenu du message qu’elle tenait à faire entendre lors de cette conférence. Elle a dit que le peuple américain a été sensible à la cause de M. Bouazizi. Une identification compréhensible puisque Mohamed Bouazizi s’est donné la mort en défendant des valeurs qui sont identiques à celles qui constituent le fondement même des États-Unis: La reconnaissance de chaque individu par son travail, son courage, son apport et sa contribution au bien de tous dans la société.
Profitons de l’évocation de Mohamed Bouazizi et posons nous les questions qui méritent qu’on s’y attarde : Est-ce que depuis cet évènement, les leçons ont été tirées ? Qu’est ce qui a été réalisé depuis, pour que la mèche de la poudrière ne s’allume alors que nous sommes encore une fois face à des ingrédients identiques que ceux d’auparavant, capables de transformer un matin la grogne populaire en action qui dépasse les pouvoir actuel au pays sans qu’il puisse y faire front, sans qu’il y réponde par la violence ? Qu’est ce qui a été réalisé pendant quatre ans pour circonscrire la violence institutionnalisée, l’injustice et ce qui pousse la population vers le désespoir et à la révolte ? Une nouvelle constitution est écrite, des gouvernements de transition sont passés entre temps, mais a-t-on touché au cœur du problème à savoir renverser les pôles dans la relation administration/public, en partant du principe que l’administration est au service du citoyen et non le contraire, qu’elle a l’obligation de s’adapter par la simplification des procédures, de devenir efficace avec les technologies modernes et de fonctionner sans lenteur mais avec le rythme et le temps qu’exige la modernité du monde d’aujourd’hui ?
Penny Pritzker , en bonne américaine a été précise et claire ni offensante dans son propos. Elle a mis le doigt sur les lieux qui posent problème et sur lesquels il est indispensable d’agir, si la Tunisie tient sérieusement à quitter l’état expectatif dans sa gestion de la crise économique. Comprenons dans l’éloge rendu à Mohamed Bouazizi que le jeune homme a gardé son sens de l’action, de la débrouille, de l’adaptation aux circonstances difficiles et ses tentatives de surmonter les handicaps administratifs, pour subvenir à ses besoins avec fierté et dignité, en ne comptant que sur lui-même, jusqu’au bout et jusqu’à sa mort.
En effet, il n’existe pas d’autres solutions pour que la Tunisie retrouve la paix, le chemin de la sérénité, autrement que par l’économie ! Que seule une politique économique cohérente, saine, intelligente et audacieuse peut constituer le levier qui doit remettre la Tunisie sur le bon chemin.
Il y a en effet une façon de gérer l’économie du pays autrement sans que l’absorption des crédits qui se succèdent ne soit la solution efficace pour éradiquer la crise. Il est temps de s’attaquer aux germes qui provoquent la crise d’autant que la Tunisie a le potentiel humain avec une main-d’œuvre de qualité, un positionnement géographique à la pointe de l’Afrique et un superbe climat méditerranéen pour attirer les investisseurs. Un véritable écrin attrayant et favorable pour accueillir toutes les bonnes volontés parmi ceux qui voudraient faire des affaires dans des conditions naturelles de rêve.
Penny Pritzker a suggéré de méditer sur quatre questions qu’elles lui apparaissent importantes à régler, pour que l’économie tunisienne puisse s’émanciper (traduction de l’intervention) :
La 1ère « … Le code d’investissement en Tunisie est un labyrinthe byzantin un héritage d’une époque révolue et d’un régime fermé. Rationaliser, simplifier et clarifier le code des investissements, encourage la création d’entreprises; facilite plus la croissance du secteur privé et la concurrence; et envoie un signal aux investisseurs locaux et mondiaux que la Tunisie est ouverte aux affaires.
Deuxièmement, le système bancaire de la Tunisie est accablé par trop de prêts de copinage non-performants, un autre héritage de la pré-révolution. Une entière réforme du système bancaire est essentielle pour soutenir la création de nouvelles entreprises viables.
La réussite dans l’effort de la restructuration bancaire ne consistera pas seulement à recapitaliser les banques publiques, mais à récompenser les nouveaux capitaux propres avec des prêts axée sur le marché de l’avenir. La légifération de cette mesure doit contenir un droit de la faillite qui protège les preneurs de risques et permet l’échec. Ce sont des pierres angulaires du succès dans tout écosystème entrepreneurial.
Troisièmement, le régime fiscal et douanier actuel de la Tunisie est imprévisible, inefficace, et de loin trop discrétionnaire. Ce pays a besoin d’une structure fiscale et douanière transparente, fiable et moderne avec des tranches d’imposition équitables qui intègrent l’économie informelle dans l’ensemble du marché; basé sur un audit évaluant les risques, indépendant de la politique ou de connexions; avec des procédures douanières efficaces, qui stimulent le commerce et les exportations; et une réglementation qui fait échec à l’application discrétionnaire des règles.
Enfin, la Tunisie devrait bénéficier d’une loi forte sur les partenariats public-privé qui rend plus fortes la transparence et la prévisibilité pour les entreprises nationales et étrangères qui veulent investir dans vos projections futures; réduit les formalités administratives pour les investisseurs internationaux; et attire des capitaux privés pour des projets d’infrastructures nécessaires.
Ceux-ci seraient des étapes importantes pour aider l’économie tunisienne à rattraper votre politique. Et vous ne serez pas seuls dans cet effort. Les États-Unis ont été à vos côtés pendant des années »
Il est vrai que le Code d’Incitations Aux investissements désireux d’investir en Tunisie, en vigueur, est déjà complexe dans sa présentation pour tout nouveau investisseur. Il a été promulgué en 1993. Sa lecture pour appréhender [son] cadre juridique, tout investisseur étranger, doit consacrer une bonne part de son temps, de son énergie et de ses moyens financiers, à la consultation de « spécialistes » de la question, à lire attentivement les nombreux ouvrages en codes, et en décrets auxquels le volumineux présent renvoie, avant de s’y engager dans l’activité qu’il s’était fixée, si l’envie y est encore, et surtout s’il tient à bien cerner son statut et éviter ainsi de se retrouver en violation d’une règle dont il manqué de soupçonner l’existence. Bref, tout pour faire de l’administration une superpuissance bureaucratique qui tient à sa merci l’usager. Soyons réalistes, est-ce que cela est susceptible de séduire les investisseurs ?
Message de Barack Obama, adressé aux Tunisiens et diffusé au cours de la conférence :