Ahmed Souab, juge, lit dans l’âme de la Constitution et il trouve de la légitimité dans le discours d’Essebsi

Salah Ben Omrane  01/12/2015  13:40

  Le Président de la République Béji Caïd Essebsi, avant hier soir, avait fait une intervention télévisée. Elle avait duré 17 minutes et quelques secondes. Il avait consacré plus que les deux tiers du temps de son discours à commenter les problèmes internes d’un parti politique Nida Tounes dont il est lui-même issu. Il a fini par égrener les noms des nouveaux responsables qu’il avait choisis pour ce parti, sur une liste qu’il avait préparée et lue publiquement.

 Au lendemain de cette intervention, on entend ici et là, les voix de ceux estiment que le Président de le République n’a pas à s’en mêler des problèmes internes d’un parti politique et que la Constitution exige qu’il devait en être déjà détaché depuis son accession au poste de chef de l’État.

 La deuxième remarque qui est adressée au Président  Béji Caïd Essebsi, est que la Tunisie,  en ce moment, est attaquée et défiée dans les arcanes de son État par une organisation terroriste qui porte le nom de Daech et que le parti politique auquel il a consacré tant de temps dans son discours et d’énergie, les problèmes de ce parti ne constituent pas le souci de tous les Tunisiens, non son objet d’inquiétude, voire même qu’ils sont une distraction pour un large public tunisien qui s’amuse en voyant un remake  d’une saga vers la course au pouvoir. Un sujet particulier à la vie politique en Tunisie, auquel les Tunisiens y sont habitués par les jeux et intrigues de succession depuis Bourguiba, puis Ben Ali.  Il ne manque plus que le dépôt des droits pour qu’aucun cinéaste n’aborde ce sujet ou ne le traite, sans passer par la caisse du trésor public tunisien. C’est un bien immatériel que l’Unesco devrait un jour le reconnaître.

 Sauf, que le moment est mal choisi pour qu’un bon nombre de Tunisiens accepte que les rebondissements de la Saga vers la course au pouvoir s’infiltre partout et gagne le Palais de Carthage, qui est est supposé,constitutionnellement, hermétique à tous les jeux de clans et à toute prise de position partisane. Le Président de la République est président de tous les Tunisiens et la constitution lui interdit de prendre parti pour untel ou pour un autre dans un parti, ni d’afficher sa préférence pour tel parti ou par un autre. À défaut de cette neutralité chez le président de la République, la constitution est violée !

 Dans la vidéo de Nawaat (en bas de page), on voit la superbe Naziha Rjiba, qui en quelques phrases a su encadrer l’intervention du Président Béji Caïd Essebsi  par rapport à la situation actuelle de la Tunisie. Sans langue de bois et dans un langage compréhensible par tous, comme a son habitude, Naziha Rjiba a démontré que l’intervention est le signe d’une drive inquiétante dans l’exercice du pouvoir.

 Monsieur Ahmed Souab, juge à la Chambre constitutionnelle ne voit pas de violation à la constitution  dans l’intervention du Président Béji Caïd Essebsi. Dans sa déclaration à Nawaat, il dit ceci :

أحمد صواب، قاضي بالمحكمة الدستورية : « الدستور لا يتعارض والوضع الحالى لا يتعارض و التركيبة الخصوصية متاع رئيس الدولة الحالى و رئيس الحكومة الحالى تبرّر كونه سي الباجي يتدخّل في شأن نداء تونس خاطر ثم صريح النصّ عبارة النصّ وثم روح النص. هذيا من الناحية الدستورية مانراهش متعارض. »

 Ahmed Souab « La Constitution ne s’oppose pas, la situation actuelle ne s’oppose pas et la formation particulière du Président actuel de la République et du Président du gouvernement actuel, légitime monsieur El Béji pour qu’il intervienne en ce qui concerne Nida Tounes car, il existe le déclaratif dans le texte, l’expression du texte et l’âme du texte. Ceci, du point de vue de la constitutionnalité, je ne le vois pas contradictoire. »

 Autrement, d’après la logique de monsieur le juge  Ahmed Souab, il ne faut pas s’arrêter au déclaratif dans le texte, il faut voir du côté de l‘âme du texte pour se prononcer sur la constitutionnalité ou non en ce qui concerne l’intervention de Béji Caïd Essebsi en tant que Président tout en émettant son avis sur les problèmes d’un parti politique et en prenant des décisions concernant le même parti.  

 Puisque monsieur le juge  Ahmed Souab est sensible à l‘âme du texte ou à l’esprit que peut dégager la disposition d’une loi, pourquoi s’arrête-il à l’âme d’un seul article de la constitution?  N’est-il pas plus judicieux d’aller voir « le déclaratif » dans la constitution avant de la faire mourir et  prendre son âme comme une boule de cristal et y voir ce que tout le monde ne voit pas ?

 Comment peut-on y voir de la constitutionnalité devant un Président de la République qui annonce martialement à la télé des noms qu’ils vient de nommer  pour une fonction dans un parti ? Un décret présidentiel va suivre cette décision ou est-il déjà au journal officiel ? Soyons sérieux! Il y a une légitimité dans l’âme  de la constitution lorsqu’un président de la République cite des noms à la télé comme s’il citait des noms de gagnants dans un jeu télévisé ?

 Que dit l’Article 78 de la Constitution? Il est bien dit que le Président de la République a pour attribution, par voie de décret présidentiel de nommer le  Mufti de la République, les fonctions élevées à la Présidence de la république…les nominations et les révocations dans les fonctions élevées militaires, diplomatiques et celles relatives à la sécurité national, du Gouverneur de la Banque centrale

 Le texte de la constitution est suffisamment clair, nul besoin d’aller fouiller dans son âme ou dans son esprit qu’il ne figure pas parmi les fonctions du président de la République de nommer tel ou tel dans tel ou tel parti. De rappeler encore, qu’il est écrit dans la constitution que « Le Président de la République ne peut cumuler ses responsabilités avec une autre responsabilité partisane« .

 

 

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