Des lois anticonstitutionnelles, encore en vigueur et qui font honte

Salah Ben Omrane  23 mai 2016   23:45

  Il y a certaines lois qui doivent changer, voire même disparaître. Ce sont, celles qui apparaissent incontestablement aujourd’hui dans une forme rétrograde, inadaptée à l’état social des Tunisiens et à leur mode de vie, puisqu’elles sont devenues éloignées de la réalité de la Tunisie actuelle qui est bien différente que celle lorsqu’elles ont été légiférées.

Les institutions juridiques se doivent de se tenir à jour et conformes à l’état réel du pays qui est par essence dynamique et elles ont l’obligation de tenir compte des avancements effectués en matière de législature surtout quand celle-ci est bien inscrite dans la nouvelle constitution.

Il est absurde d’avoir une constitution écrite par une majorité après 2011, appuyée et approuvée par la communauté des institutions internationales mais qu’en même temps admettre que ses dispositions et ses principes demeurent en hibernation, dans l’attente de meilleurs jours, en laissant les anciennes lois signées par Bourguiba et Ben Ali, s’affirmer librement, sans retenue et s’imposer sans qu’elles ne soient contestées.

Parmi ces lois qui renvoient la Tunisie trois mille en arrière, il y a l’article 227 du Code Pénal. Il est écrit dans son paragraphe ceci :

«يعاقب بالسجن مدة ستة أعوام كل من واقع أنثى بدون عنف سنها دون خمسة عشر عاما كاملة.
وإذا كان سن المجني عليها فوق الخمسة عشر عاما ودون العشرين سنة كاملة فالعقاب يكون
بالسجن مدة خمس أعوام.
والمحاولة موجبة للعقاب.
وزواج الفاعل بالمجني عليها في الصورتين المذكورتين يوقف التتبعات أو آثار المحاكمة.
وتستأنف التتبعات أو آثار المحاكمة إذا انفصم الزواج بطلاق محكوم به إنشاء من الزوج طبقا للفقرة الثالثة من الفصل 31 من مجلة الأحوال الشخصية وذلك قبل مضي عامين عن تاريخ الدخول بالمجني عليها.

إذا قضت المحكمة الدستورية بعدم الدستورية فإنّه يتوّقف العمل  بالقانون  في حدود ما قضت به. » (الفصل 227 )

Traduction :«Est puni de six ans d’emprisonnement celui qui viole une fille sans violence,  que celle-ci n’a atteint l’âge de quinze ans révolus.

Si l’âge de celle qui a subi l’acte est au dessus de quinze ans et inférieur à  vingt ans accomplis , la punition d’emprisonnement devient pour cinq ans.

La tentative exige la punition.

Le mariage du violeur avec la violée, dans les deux cas cités, arrête les poursuites ou les traces du procès.

Les poursuites ou les traces du procès reprennent s’il y a dissolution du mariage par jugement de divorce par Inchaa (forme de divorce qui correspond à la volonté de l’un des époux  qui décide de la dissolution du mariage en se présentant disposé à assumer le règlement d’une compensation pour les préjudices financiers, matériels  et moraux en guise de dédommagement à son conjoint dont il se sépare), conformément au 3ème paragraphe de l’article 31 du Code  du statut personnel, ceci avant que le délai de deux ans ne soit dépassé depuis que la concernée a subi le viol.

Si la Cour constitutionnelle a décidé pour non constitutionnalité,  il n’est plus fait usage de la loi aux limites de ses arrêtés.»

Notons l’expression par un euphémisme sur le viol dans la première phrase :  «qui viole une fille sans violence». Comme si le viol peut être commis sans violence alors que dans toutes les sociétés civilisées, le viol est un crime.

Apprécions également la prouesse législative dans l’occultation du terme « mineure » alors que les indications de l’âge de la victime 15-20 ans, définies dans la même loi, la place dans cette catégorie. Rappelons que dans les pays civilisés, la condition de « mineure » est une circonstance aggravante.

Dans la même loi, si le violeur prend la violée pour épouse,  il n’a plus de compte à rendre à la justice «…Arrête les poursuites ou les traces du procès». L’institution mariage est ainsi présentée par le législateur au titre de solution de rechange, sorte de peine de substitution pour le voleur s’il accepte de maintenir celle qu’il a violée durant au moins deux ans en tant qu’épouse.  On peut ainsi en déduire, d’après cette logique,  que le mariage est pire que la prison car le violeur aurait eu une peine de cinq ans de prison pour le même fait et  compte-tenu des circonstances aggravantes, la peine pouvait croitre de six ans d’enfermement jusqu’à même la pendaison.

Un principe fondamental de justice qui est ignorée dans cette loi, il est le fait que l’atteinte portée à la victime ne concerne pas seulement l’individu-victime. La société entière est victime de l’acte et elle est supposée être défendue par son représentant. Elle est touchée par le crime du viol et de cet fait, elle est Partie dans le développement de la procédure. Le viol ne peut pas être traitée comme s’il s’agissait d’une affaire civile, telle une affaire de commerce ou de chahut entre voisins, qui se règlent généralement dans le cadre des quelques juridictions auxquelles sont orientés ce type de conflits.

Allons encore plus loin, pour comprendre l’importance dans le sens de «Partie» derrière chaque acte judiciaire qu’un juge est susceptible d’émettre. À titre d’exemple, il y a la présence du Ministère public à l’audience qui est obligatoire en droit français dans toute affaire où le juge est saisi en matière de procédure gracieuse (contraire à la procédure contentieuse). Sans sa présence, la décision de justice peut-être cassée.

Que peut signifier la présence obligatoire du ministère public dans ce type de procédures et en l’absence de litige ou de contentieux ?

Cela signifie qu’au premier plan, par sa présence, avant qu’une décision de justice, ne soit prise, il veille ; il contrôle ; il est en mission de protection des intérêts de la société, et d’agir pour qu’ils soient supérieurs devant la demande qui émane d’un justiciable.

La constitution tunisienne qui est animée par ce même sens de la justice, mérite que les occupants actuels de l’Assemblée parlementaire y méditent en toute sérénité.

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