Najat Vallaud Belkacem à l’Assemblée et Averroès au Pré Saint Gervais, le même jour

Salah Ben Omrane  26 mai 2016  8:00

  Lorsque Emna El Abed, Présidente de l’Association Averroès avait invité Ghaleb Bencheikh Président de la Conférence mondiale des religions pour la Paix, qui est intervenu sur le thème « La littérature arabe et son influence sur l’occident« , clôturant ainsi la semaine culturelle que l’association venait d’organiser au Pré Saint Gervais, à 13 kilomètres de l’Assemblée nationale, personne ne pouvait prévoir qu’au même jour, il allait y avoir la ministre de l’Éducation Nationale Najat Vallaud Belkacem qui devait réagir à la provocation d’une députée Les Républicains, Annie Genevard, qui taxait la langue arabe de « langue communautaire » et qui reprochait à la ministre de vouloir l’inscrire dans les programmes scolaires. Par les temps qui courent, on ose, on se permet, on se défoule, on se fait plaisir, on se délecte et aux bancs de l’assemblée, on ne se prive pas et on ne fait pas exception, profiter que la fenêtre est ouverte et on ne sait pas quand elle se refermera, le jour où la tenue et la retenue deviendraient une exigence. Le jour où le climat d’arrogance envers tout ce qui se rapporte  à l’arabité reprend son état initial, une haine anodine contenue avec pudeur, qui se devine sans qu’elle ne franchisse la barrière de la laideur qui enrobe l’ignorance et de l’obscène qui masque la méconnaissance et « le confort » de l’ignorance. Pointer une langue cela ne se fait pas et cela ne s’est pas produit, mais pointer la langue arabe. Dire qu’elle est communautaire, c’est autre chose ; un cran supplémentaire et innovateur dans l’intelligence de la culture du rejet et du savoir faire dans la négation de l’autre, son prochain, qu’une langue, la langue arabe, qui en franchissant légalement le seuil des portes des établissements scolaires, pourrait lui donner de la visibilité, de la reconnaissance et une légitimité d’existence par la langue. La même députée soutenait que l’apprentissage de l’arabe se ferait au détriment de la langue française. Sûrement que cela se passe ainsi quand on est persuadé, que la tête d’un enfant est comme un sac, une langue en chassera une autre. Une conception caricaturale et très ancienne de l’apprentissage, alors qu’en réalité c’est même le contraire qui se produit, car les enfants qui apprennent une seconde langue ont plus facilement accès vers une troisième langue et ainsi de suite.

Mme Emna Elabed et Mr Ghaleb Bencheikh

  Ghaleb Bencheikh s’est appuyé sur ce fait, rappelant que la langue arabe est une langue onusienne que nul ne peut réduire ou ignorer l’apport considérable aux sciences et humanités d’aujourd’hui dont des ouvrages en langue arabe y ont contribué. En une heure, il a fait un tour de promenade entre Cordoue et Bagdad, évoquant ainsi poètes, mathématiciens, médecins et techniciens dont qu’une infime partie de leurs ouvrages ou travaux qui se trouve disponible dans les traductions.

Deux évènements qui ont eu lieu le même jour. L’un, celui d’une association qui a 25 ans d’âge à son compte, qui oeuvre à petite échelle, soutenue par la mairie du Pré St Gervais pour faire connaître les arts et les cultures arabes, organiser des ateliers et des rencontres , bref l’ouverture et les échanges avec ce qu’il y a de précieux chez l’être humain, son intelligence, et l’autre, une démonstration de roulage de mécanique à l’Assemblée nationale devant la langue arabe qu’une ministre a « osé » vouloir inscrire dans les programmes scolaires et qui s’est trouvée dans l’obligation, plus de défendre que de soutenir sa proposition. Il ne manquait qu’une phrase: «Mais madame, vous tenez à inscrire la langue arabe dans les programmes scolaire, parce que vous êtes arabe d’origine!», une sorte de touche finale qui aurait fait de l’intervention de la députée un tableau avec plus d’harmonie et de cohérence qu’on pourrait ranger aisément dans la veine du courant de l’expressionnisme populiste.

Apprendre l’arabe comporte un risque et c’est en effet dangereux. Le premier risque pour la jeunesse française, est qu’elle pourrait un jour comprendre et lire ce qui s’est écrit en arabe et pouvoir déchiffrer ce que les arabes avaient écrit depuis l’ancien temps jusqu’à aujourd’hui. Cela ne peut qu’avoir pour effet de les orienter vers les matières sources, au lieu de le leur apprendre de se contenter de ce qu’on leur a toujours présenté comme traductions de cette langue, en unique source accessible. Que feraient les agitateurs populistes et encore ceci, qui prétendent transmettre en traduction ce qui s’est écrit dans la langue arabe, si on leur coupe l’herbe sous les pieds ? Quant au danger, qui de toute évidence pointe son nez au bout du couloir, il consiste au fait que si la jeunesse française apprend à manier la langue arabe, grâce aux formations de l’école publique, que l’apprentissage de cette langue n’est plus réservé aux progénitures de l’élite française uniquement, cela signifierait que le champ vers l’accès à des postes de prestige dans les ambassades françaises et aux postes des négoces avec les pays arabes et autres institutions internationales, deviendrait possible, ouvert et démocratiquement probable à tous les enfants de la république. En effet, pour la communauté des nantis, qui tient à sauvegarder ses privilèges et ses marques de distinction, l’apprentissage de façon générale et pas que d’une langue, quand il est à la portée de tous, cela devient intolérable!

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