Salah Ben Omrane 5 novembre 2012 23:00
«Nous allons lui [Shell] accorder l’autorisation de l’extraction et l’exploitation du gaz de schiste très prochainement» , a déclaré l’actuel ministre de l’industrie tunisien Mohamed Lamine Chakhari, dans une interview accordée au journal « le Maghreb » le 2 novembre dernier.
Huit jours plus tard , le voilà qui saute dans un avion en vue de participer à un forum dit: Le Sommet Nord africain du gaz et du pétrole qui se déroule à Vienne du 6 au 8 novembre 2012. Il laisse derrière lui une trainée de poudre par ses déclarations d’avant son envol. Il est garanti qu’il sera la coqueluche du sommet. Il aura droit à la génuflexion et tous les honneurs, de tous les participants, dès qu’il foulera de son pied la moquette du forum. Il aura droit aux égards dignes d’un chef d’État, de l’homme qui n’a peur de rien, qui a su dire « les mots » qu’il fallait, sans craindre quiconque, mais surtout ceux de l’homme au pouvoir de signer. Sa signature permettra de perpétrer la colonisation moderne, et autorisera l’accès au sous sol tunisien. Une colonisation du patrimoine géologique tunisien, qui sera imperceptible à la surface de la terre et qui fera des victimes. Aucun expert, d’aucune juridiction ne pourra amener la preuve irréfutable du lien entre la cause et l’effet . C’est ainsi la destinée des affaires de ce type. Mais en attendant ,le colonisateur, résident général et puissant, qu’est le conglomérat de sociétés internationales, pourra dire au ministre tunisien qui « honore » le forum par sa visite : Merci monsieur le ministre !
Le hic dans cette affaire, est que la décision du ministre a été prise à la hâte. Il ne pourra pas se targuer d’avoir consulté comme il se doit les Tunisiens. Aucune enquête d’utilité publique n’a été réalisée auprès des citoyens . Sur quoi s’est il fondé pour décider d’autoriser une compagnie pétrolière tel que Shell pour procéder à la fracturation hydraulique ?
S’il s’est appuyé sur des études du ministère de l’environnement, celles-ci sont invisibles. Pire, de l’aveu même de la ministre de l’environnement Mamia El Banna, qui est intervenue dans une émission télé Ettounsya, face à la journaliste Maya ksouri, la ministre a avoué qu’elle « avait pris connaissance du gaz de schiste durant les dix derniers jours du mois de mai« . Or , ici même ,au Milieu autorisé , nous avions fait un article sur la question: le 17 avril 2012 , soit plus d’un mois, avant que l’affaire du gaz de schiste ne soit à la portée de connaissance de la ministre. L’article s’intitule : Pour quelques mètres cubes de gaz de plus, le projet de schister la Tunisie.
Que certains ministères soient juste posés dans la vitrine pour la forme , ce n’est pas étonnant ( ! عندكشي؟ عندي شويّة أُنفٍرُنمن ), mais le scandale est que les ministres tunisiens ne lisent pas ce blog !
Par ailleurs , le ministre M. Chakhari cite régulièrement le cas du Canada et des États-Unis.
En ce qui concerne le Québec , il faut saluer la population québecoise qui s’est mobilisée pour rendre tout forage dans le pays impossible. L’indignation populaire s’est vite transformée en colère contre les forages par fracturation de la roche de schiste. Les Québecois, dès lors qu’il avaient constaté la contamination des nappes phréatiques chez leurs voisins en Pennsylvanie, ils ont exigé l’arrêt des forages et ils ont réussi. Contrairement aux méthodes classiques de concertation et de dialogue qui font la réputation des pays du tiers monde où les décisions se prennent dans des officines, sous la pression de quelques requins lobbyistes, à l’abri de la population, les responsables politiques canadiens avaient pris la peine de former une commission, une vraie , une indépendante. Cette Commission avait rendu un rapport . Ce rapport était rendu public. Il est là ! ( c’est un rapport sérieux fait par des gens sérieux). Le jour où le ministère de l’industrie tunisien mettra à la disposition du public un volume pareil , on le prendra au sérieux. L’affaire du gaz de schiste en Tunisie, est suffisamment importante et grave pour qu’elle soit déléguée à un ministre, qui s’en ai saisie avec des éléments de rhétorique de langage , comme seul bagage . C’est un outil qui fonctionnait bien au temps de la dictature mais il est usé et obsolète maintenant.
Nous pouvons apprendre au gouvernement tunisien que la ministre québécoise des Ressources naturelles Martine Ouellet, a indiqué en septembre 2012, que le gouvernement a demandé « Un moratoire complet, tant sur l’exploration que sur l’exploitation du gaz de schiste« .
Un autre exemple en ce qui concerne toujours le domaine industriel : Il y a le Rapport Louis Gallois « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française ». Ce rapport vient tout juste d’être remis à Matignon au Premier ministre de la France Jean Marc Ayrault. Le jour où le gouvernement Jebali commencera à recevoir des rapports de ce genre, tout en les rendant publics , il y aura une avancée d’un cran vers le chemin de la démocratie, de la transparence et du non mépris des gouvernants pour les citoyens.
Pour ce qui concerne le forage par la technique controversée, qu’est la fracturation hydraulique à la recherche du gaz de schiste, il est vrai que les États-Unis sont les pionniers . Ils sont également les premiers à subir les conséquences ainsi que de constater déjà , sans attendre les prochains milliers d’années , les troubles qu’a subis l’eau potable devenue empoisonnée . Par ailleurs, dans les mêmes zones concernées , on constate que l’air est devenu pollué et que les animaux décèdent mystérieusement.
Voici la carte des États-Unis. Il suffit de cliquer sur n’importe quel État pour constater un échantillonnage non exhaustif des problèmes et incidents, liés à la fracturation hydraulique dans chacune de ces régions.
Arkansas | California | Colorado | Delaware | Louisiana | Maryland | New Jersey | New Mexico | New York | North Carolina | North Dakota | Ohio | Oklahoma | Michigan | Pennsylvania | Texas | West Virginia | Wyoming
En ce qui concerne l’argument avancé par monsieur le ministre, qui ne cesse de répéter « qu’en cas de problème on arrête tout« , nous devons lui rappeler qu’il ne s’agit pas d’un jeu et que les conséquences de ce type de forages sont irréversibles.
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