Gaz de schiste en Tunisie: une fenêtre vers une folie rampante

Salah Ben Omrane  mardi 25 septembre 2012 à 19:30

 

 À la date d’aujourd’hui, il est difficile de dresser un constat plausible et sérieux sur l’étendue des dégâts au sous sol, à l’abri de la vue, qui sont la conséquence de l’introduction récente en Tunisie de la nouvelle technique de prospection et d’exploration géologique qui consiste à fracturer la roche de schiste .

 Actuellement, aucun document sérieux sur cette méthode n’est  à la disposition du public. C’est une affaire confidentielle entre initiés et je crains même qu’aucun représentant des autorités tunisiennes ne fasse partie de  l’un de ces cercles, pour qu’il puisse répondre à toutes les questions légitimes sur la transformation du sol en cours dans le territoire tunisien : 

Quelles sont les zones géologiques et leurs étendues qui ont été touchées à la date de ce jour ? 

À quelles profondeurs et à quelles distances horizontales , elles ont été touchées ?

Quelles sont les nappes phréatiques qui ont été traversées ?

Quelles sont les méthodes et les techniques de perforation, de forage et de fracturation qui ont été employées ?

Quels sont les divers composants chimiques qui sont en cours d’utilisation ?

Y a-t-il eu une certification par une autorité tunisienne pour leur usage ?

Quels effets à long et à court termes sur la roche de schiste, ont ces composants ?

Quels sont les dangers de ces composants sur la santé publique, sur l’eau, et sur l’environnement ?

Quels sont les produits récupérables après injection et à quels taux en pourcentage ?

Comment se fait la récupération des produits, qui sont sans doute toxiques et sous quelles formes de toxicité ?

Comment comptent les compagnies pour se débarrasser des produits polluants, une fois récupérés ?

Dans quels endroits, ils sont stockés ?

 Sur les sites web gouvernementaux de l’État tunisien, qui a la responsabilité de gérer et surtout de préserver le patrimoine géologique, vous ne trouverez aucune réponse à toutes ces questions.

 En revanche , un écran de fumée vous embaume la vue devant les puits de la communication gouvernementale. La méthode traditionnelle est de rigueur. Pas besoin d’aller la chercher loin. C’est ainsi, que le ministre de l’Industrie Mohamed Lamine Chakhari est intervenu la semaine dernière sur les ondes de la station radio Express Fm.

 

 

Le ministre  livre à chacune de ses phrases des perles et les plus brillantes . Voici  une traduction de quelques extraits :

 « S’il y a le minimum de danger, on arrête tout de suite. » , puis il se lance  :« Lorsque vous buvez une gorgée d’eau, il y a un danger  » et il achève le journaliste d’Express Fm par l’argument suivant « Ceux qui réussissent en Amérique, qu’est ce qu’on leur dit : vous n’avez pas réussiJe n’imagine pas un seul individu, quelle que soit sa nationalité vouloir du mal à son  pays. »

 Pas la peine d’insister sur les arguments sophistes. Sa théorie est qu’il fait confiance aux décideurs, car il dit qu’il n’imagine pas qu’un individu puisse en vouloir à son propre pays.

 On lui rappelle que les cimetières sont remplis par des gens qui ont fait confiance à des décideurs dans leurs pays:

 -En 1984 , en Inde, il a eu la catastrophe de Bhopal. Une usine chimique où 40 tonnes de gaz toxiques se sont échappés, tuant au moins 10 000 habitants sur le moment, sans compter les 500 000 de victimes touchés en conséquence de ce gaz.

 -Qu’il y a eu le pompage excessif de la mer d’Aral qui se trouve entre le nord du Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Les Instituts hydrologiques d’Asie centrale avaient depuis longtemps soutenu et défendu le projet pharaonique de conquête et d’irrigation aux alentours de cette mer. Les engrais et les pesticides ont compromis à jamais le développement naturel de cette mer. Le peu de poisson qui reste  est impropre à la consommation. L’eau a disparu à 75% et le taux de salinité a augmenté considérablement.

 – Que Récemment en 2011, il y a l’accident nucléaire à Fukushima au Japon. Un séisme suivi d’un tsunami qui a provoqué l’arrêt des centrales nucléaire. Les conséquences sanitaires sur la population japonaise sont d’une gravité immense.

 – Que pour revenir à la Tunisie, il y a la région de Gabès qui bat tous les records de pollution comparés au reste du pays. Cette seule région concentre à elle seule des industries d’extraction minière tel le phosphate, de champs pétroliers, des industries chimiques, des usines qui produisent des matériaux de construction et de tannage du cuir. C’est la région qui détient la teneur la plus élevée en dioxyde de soufre dans l’air en Tunisie. N’en parlons pas de l’état de la mer vers laquelle dérivent les rejets industriels. Cherche-ton des responsables de toute cette pollution lorsque des cas de cancer se manifestent dans la population ? À-t- on  fait des statistiques sur le type de maladies dont souffre cette région ? À-t-on fait des statistiques sur le nombre de décès en comparaison avec le reste du pays ? À-t-on  fait des statistiques sur les maladies infantiles ?

 

 

Le ministre dit :« On applique  déjà les mêmes méthodes et procédés dans les forages habituels . Il n’est pas nécessaire que les produits soient toxiques. » .

Avouez  que c’est une performance notable dans l’art et la manière de répondre. On l’appelle de la rhétorique ! Il ne nie pas et il n’affirme pas que des produits toxiques s’utilisent dans les forages.

 Contrairement à la récupération conventionnelle par le pompage des hydrocarbures, la fracturation hydraulique, consiste à provoquer des mini explosions qui ont pour conséquence des mini fissures dans la roche. Elle libère les gaz et les hydrocarbure par l’injection d’un mélange en haute pression d’un mélange d’eau , de sable et de quelques composants chimiques qui facilitent l’opération tout en maximisant la rentabilité.

 Chaque compagnie compose sa propre recette en mixture et choisit ses produits mais toutes utilisent  à peu près des produits ayant les mêmes caractéristiques et qui produisent des effets identiques. Nous avons: De l’eau, du sable, des biocides, des lubrifiants, des détergents et des acides .

   En  somme toutes les compagnies qui cherchent des hydrocarbures dans les sédiments riches en matières organiques dans la couche géologique enfouie de la roche de schiste se servent de produits qui fracturent la roche et qui altèrent son environnement. Qu’incontestablement, les minéraux lourds se mélangent à l’eau et qu’il est quasiment impossible de récupérer tous les fluides. Si une compagnie récupère plus que 50 % des matières chimiques injectées, elle peut s’estimer satisfaite. Non pas par souci pour l’environnement, mais seulement afin de pouvoir les réutiliser en faisant des économies. Ce sont ces produits industriels anti corrosif, anti bactérien qui sont des acides des lubrifiants. Ces produits sont indispensables pour extraire les hydrocarbures de ce type de sédiment, qui sont riches en matière organique qui se sont déposés au fond des lacs et des océans, il y a des centaines de millions d’années . Ces sédiments sont recouverts par d’autres sédiments qui forment une pression. Plus ils sont enfouis et denses plus leur température augmente  (60° voire  plus). Une sorte de bouillie qui cuit pendant des millions d’années.

   Que pour y accéder, il faut traverser la fenêtre à huile. C’est l’entrée vers « la marmite » qui chauffe et qui contient la matière organique génère du pétrole. Encore plus loin elle génère le gaz. Ces matières occupent la porosité des roches. Les matières s’y accrochent .Pour optimiser la surface de récupération on fait des forages qui suivent la couche et qui libèrent les matières hydrauliques de la roche. Parmi les cibles, il y a la roche  déposée il y a 180 millions d’années .Ce sont les schistes cartons. Plus bas encore on trouve les Black shale de l’âge Autunien qui est de 280 millions d’années  environ. Ces roches suintent les hydrocarbures. Les firmes ciblent aussi le gaz de de charbon qu’on surnomme  le Grizou .En diminuant la pression dans les veines de charbon  les gaz se libèrent et qui sont condensés en liquide .Cette couche est de l’âge Carbonifère. Elle a plus que 300 millions d’années.

 Les firmes provoquent des pressions souterraines qui provoquent des mini séismes  afin de collecter les fluides.

Cette transformation est loin d’être sans conséquences sur les nappes phréatiques et sur l’atmosphère au dessus de la surface de la terre. 

 

Y a t-il eu des forages par fracturation des gaz de schiste en Tunisie ?

 Au lendemain de l’intervention du ministre de l’industrie, La radio Express FM a réuni un plateau avec quelques intervenants sur le sujet.

Une représentante du ministère  de l’environnement :

 

 Mme Dikra Garbi dit que « normalement, il y a une étude sur l’impact environnemental de ces activités de forages.  C’est l’exploitant qui s’en charge. Il la présente à l’agence de protection de l’environnement, qui est un organisme étatique. On est dans le prévisionnel avant les travaux . Une fois que le projet est approuvé, les experts contrôleurs prennent le relais et font leurs études et analyses aussi bien sur les sites que l’environnement du site. Cette même agence souffre de sa non capacité à pouvoir effectuer ses missions de contrôle aussi bien par le nombre de ses contrôleurs par rapport au nombre de sites et de l’équipement adéquat de contrôle. Un contrôle non proportionnel au nombre de sites et au moyen

 On note que du témoignage même d’un agent fiable de l’état , les autorités tunisiennes, ne sont pas en capacité de maîtriser les activités de forage par fracturation comme il se doit. N’en parlons même pas des risques potentiels dans les années avenirs en impact sur l’environnement et essentiellement l’eau .

 

Un représentant d’un association qui milite pour la transparence dans le domaine de l’énergie :

 

 Sofiane Reguigui  (ATTEM)   Mohamed Akrout  (ETAP)

 Par une question de Sofiane Reguigui (الجمعية التونسية للشفافية في الطاقة و المناجم),  Mohamed Akrout (Entreprise Tunisienne d’Activités Pétrolières) a fait l’aveu« qu’il y a eu quelques opérations de fracturation et que les puits sont connus ! »

 Où et quand, elle a été diffusée cette information ?

   En délivrant des permis à des compagnies pétrolières qui emploient la méthode d’extraction des gaz et des hydrocarbures par la fracturation de la roche de schiste qui contient de la matière organique, enfouie dans les profondeurs des couches sédimentaires dans le sous sol tunisien, nul doute que les autorités tunisiennes actuelles ont endossé une très grande responsabilité  devant les Tunisiens. La préservation du patrimoine géologique et sa bonne gestion sont compromis. La couche géologique visée, est âgée d’environ trois cent millions d’années. Elle est menacée d’une souillure qui compromettra toute vie à la surface de la terre pendant des millions d’années. La rapacité d’une poignée d’individus en a décidé ainsi. Si cette technique a fait ses preuves en rentabilité avec des vues à court terme aux États Unis et au Canada, qui par ailleurs sont des pays industrialisés aux abois, trop dépendants d’une surconsommation en carburant, c’est  loin d’être le cas de la Tunisie. les alertes sur les dangers et les dérives en conséquence de cette folie polluante à la recherche des hydrocarbures sont nombreuses. Cette méthode est contestée dans les pays mêmes où cette astuce diabolique a été trouvée. Ces même pays qui réclament le toujours plus d’une dose d’énergie pour se maintenir dans un simulacre d’État moderne à tout prix.

       En Tunisie, les multinationales ne constituent pas le véritable problème. Après tout, celles-ci, ne font que leur travail. Elle exploitent comme elles peuvent un pays du tiers monde au moindre coût,tout en maximisant les profits et dans des temps record. Rien ne leur assure qu’un prochain gouvernement tunisien acceptera de se laisser tripoter la partie cachée, moyennant quelques devises. Ces compagnies internationales appliquent, comme on a appris et formé leurs représentants dans les grandes écoles de l’occident: les règles du capitalisme sauvage: Pas de sentiment quand c’est une affaire de sous. Si la Tunisie est saccagée après leur passage, qu’elle devienne un pays poubelle à ciel ouvert, qu’il soit rendu un point sur la carte à éviter à tout prix de s’y rendre pour ne pas attraper des maladies, à cause de ses nappes phréatiques polluées, à cause de ses légumes contaminés par des métaux lourds qui se transmettent jusqu’à la population par la chaîne alimentaire en transitant aussi par le bétail, pour ces multinationales, c’est l’affaire des gens du pays. Elles diront que les Tunisiens n’avaient qu’à ne pas se laisser faire. Ils n’avaient qu’à ne pas courir après l’argent facile. Ils n’avaient qu’à choisir des gens qui ne se laissent pas faire en acceptant de signer en leur nom.  Elle est ainsi la règle du capitalisme sauvage . Quand le maillon qui doit protéger la population de ce pays, se plie aux désirs et fantasmes des multinationales, c’est une ’affaire de Tunisiens  ente Tunisiens et les multinationales ne sont pas le véritable adversaire des Tunisiens .

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