Le Canard enchaîné en barbu devant Kaïs Saïed

Salah Ben Omrane 10 août 2021 02:40

Le Canard enchaîné aime la Tunisie. Personne n’en doute !

Il lui arrive souvent d’esquisser, dans ses colonnes, le portrait d’une des personnalités politiques connues tunisiennes. Feu Béji Caïd Essebsi, de son vivant, était apprécié par le Canard, mais il n’était pas le bon client. Il n’était pas celui qu’on pouvait « cannibaliser » voir même titiller sans avoir des remords au bout du compte. Il incarnait, d’une certaine manière: l’ancien président  Habib Bourguiba, un très bon partenaire pour les médias en France. Il y avait une certaine complicité dans le jeu entre lui et les médias en France. Il faut dire aussi, qu’il y avait des codes à respecter entre chefs d’États, avec des considérations protocolaires et particulières entre chefs d’États et les journalistes. Il était un enfant du pays, né en Tunisie, sous le protectorat français, ensuite il est devenu avocat, imbibé par la culture française dans ses valeurs,  ses entrailles et ses principes. En revanche, en ce qui concerne Kaïs Saïed, élément qui est loin d’être négligeable, est qu’à la date de sa naissance (1958), la Tunisie était un pays libre et indépendant. Cela a une importance capitale, loin d’être négligeable, dans le développement psychique et constitutif de tout individu même si le rapport entre les deux faits, n’induit pas forcément vers un mode de fonctionnement décelable facilement ente la cause et l’effet.

Revenons au Palmipède, qui est fidèle à sa réputation, pour cancaner en vibrato, il aime quand le grain est à la fois tendre et croustillant. S’il provient de l’autre côté de la rive de la méditerranée, il le trouve encore meilleur car il garantit en prime un exotisme euphorisant conduisant jusqu’au rêve. Pour l’hebdo à 1,5 €, il est encore meilleur lorsqu’il est trempé dans la mare à scandales. Ça le parfume et ça draine les chalands.

Avec Kaïs Saïed, le Président de la république tunisienne, il n’est pas étonnant que le Canard soit déçu. Car, il rompt avec l’image des présidents auxquels en France, les médias s’y sont habitués, tels Bourguiba, Essebsi ou encore Moncef Marzouki. Pour ce dernier, on peut dire que la France n’a pour lui aucun secret.

Kaïs Saïed n’est pas dans la continuité de Ben Ali non plus, bien que ce dernier est resté longtemps au pouvoir. et qu’il voulait que ses liens avec la France, soient dans les meilleurs termes et dans la discrétion. Or des membres de sa famille et de sa belle famille ne le lui ont pas laissé caresser ce doux rêve.

 Il s’était condamné à vivre, personnellement, reclus, avec le mutisme comme règle et le contact réduit au strict nécessaire avec les médias, particulièrement  ceux qui sont France, Il ne laissait l’occasion à personne, qui jouerait de son immunité  de journaliste étranger, pour lui balance au visage les turpitudes des siens. Pas question de jouer à se faire malmener par des coureurs au scoop !

 De prime à bord, le Président Saïed  renvoie l’image de quelqu’un de sérieux et intransigeant. Un chef d’État, qui mêlé à d’autres présidents, dans un sommet des têtes des pays du nord, de par son attitude, son look et ses gestes — c’est à dire pas de grands gestes avec les mains lorsqu’il parle — pour celui qui ne le connaissait pas, difficile qu’il l’identifie comme étant le président d’un pays méditerranéen.

Il s’exprime, dans une parfaite diction, le plus souvent en arabe littéraire, chose qui rend tout ce qu’il dit compréhensible dans tous les pays dont la langue officielle est la langue arabe ( 28 États). Cela lui confère un avantage certain en parvenant ainsi à se faire comprendre non pas qu’en Tunisie qui ne compte que 11,6 millions d’habitants, mais par plus de 315 millions d’individus qui s’expriment en arabe dans le monde, qui par ailleurs, sont tous attentifs  à ce qui se passe en Tunisie en ce moment.

Il est professeur de par son métier. Avec les années, cette activité forge une personne. Elle lui donne une certaine tenue en public et une aptitude à avoir au moins deux niveaux de perceptions simultanément: Un œil sur ses ouailles et un  autre sur le programme à tenir ainsi que le calendrier à respecter. Tous les enseignants au monde reconnaissent et comprennent aisément cette double présences dans la simultanéité. Certes, pas pour le volatile qui n’éprouverait aucun intérêt à faire dans le détail. Tout ce qui l’intéresse c’est l’agitation et le comment impressionner le personnage, en battant ses ailes. Pour illustration, nous avons pris en exemple sa parution du 4 août dernier par la plume de Anne-Sophie Mercier, intervenante fréquente dans la rubrique Prises de Bec du même hebdomadaire.  On  trouve  en sous tribune de première page, un « portrait », du président de la république tunisienne, intitulé : Le Kaïs de Tunis . Nous avons estimé qu’il est intéressant pour les lecteurs du présent blog de tenter d’interpréter les ressorts du langage qui composent l’article en question. Nous nous sommes ainsi prêtés au jeu de reproduire ici-même la chair de l’article du Canard (en couleur bleue) et d’ajouter quelques unes de nos remarques sur son propos  (en couleur noire) :

Début de l’article :

Lors de son arrivée au pouvoir, en octobre 2019, il martelait ces trois mots : la loi, la règle, la Constitution. Il était assez crédible dans ce rôle, Kaïs Saïed, ancien professeur de droit très conservateur (conservateur de quoi et en quoi ? Quel est l’intérêt de balancer des anathèmes gratuitement ? Ce n’est pas Saint Germain des Près où on se comprend à mi-mots dans l’entre-soi autour d’une table d’un café) , devenu président de la République tunisienne.

Près de deux ans plus tard, il s’attribue, les pleins pouvoirs, invoquant comme toujours. . . la Constitution (Que voulez-vous qu’il invoque autre chose que la Constitution ? Il faut être vraiment barbu pour regretter qu’il n’ait pas invoqué la Charia).  Limogeage de son chef de l’exécutif, suspension du travail de l’Assemblée, levée de l’immunité parlementaire des députés, tout cela exhale un doux parfum de dictature( Aussi vite les gros mots, dictature et compagnie, alors qu’il suffit de reproduire les décisions prises en ce 25 juillet qui sont les suivantes (c’est pas la mare à boire !) :

  1. Geler ( qui ne signifie pas interrompre) les activités de l’Assemblée des représentants du peuple, dans le respect de l’Article 80 de la Constitution.
  2. Démette de ses fonctions le chef du gouvernement.
  3. Désigner un nouveau chef du gouvernement provisoire.
  4. Lever l’immunité parlementaire des députés contre lesquels il existe des griefs judiciaires.
  5. Exhorter le ministère public à accomplir sa tâche sans faillir.

, sans pour autant faire descendre les citoyens dans la rue.  Il faut dire que la rue tunisienne, qui soutient pour l’instant le chef de l’État (Tiens maintenant qu’il est question de « soutien de la rue au chef de l’État », on s’abstient de préciser que ce chef de l’État porte un prénom et un nom et qu’il s’appelle : Kaïs Saïed ! Ou bien, devrait-on comprendre, toujours selon le Canard enchaîné, que « la rue est « si bête », si « méchante », qu’elle manque foncièrement de jugeote et de discernement, autant que toutes les rues dans les pays émergents. Elle soutiendrait n’importe quel individu du moment que cette personne soit à la tête d’État. ; est exaspérée par le parti islamiste Ennahda, premier groupe parlementaire et partenaire du gouvernement, incapable de gérer efficacement l’épidémie de Covid, qui a déjà fait 18 000 morts.

Kaïs Saïed profite ( Quelle drôle d’injure par cette manière inélégante d’attribuer un verbe avec la charge et l’intention de vouloir « profiter »? Quelle drôle de mentalité de voir du profit là où se trouve tout simplement le chemin du droit. Le sous-entendu de « l’opportunisme » est bien criant et on l’a tous entendu. Non, Il n’y a ni perte ni profit dans ce qui peut se présenter aux yeux de la journaliste en « affaires ». C’est beaucoup moins pernicieux que le Canard veuille le suggérer : Sans la levée de l’immunité des députés, la justice est condamnée à se maintenir les bras croisés. Elle ne peut pas intervenir pour dire la loi au sujet des présumées compromissions qui toucheraient certains élus de l’Assemblée. Dans une démocratie cela se passe ainsi et cela s’appelle modestement : le respect de la loi. de la levée de l’immunité parlementaire pour faire un petit ménage.( un grand ménage plutôt)

 Deux députés du mouvement ultra-islamiste Al Karama, un parti qui s’est fait remarquer par la virulence de ses positions et par des attaques physiques contre des parlementaires, ont été arrêtés. ( D’où l’intérêt de la levée de l’immunité des députés. Autrement les plaintes pour violences resteraient croupir dans les tiroirs.

 Plus gênant, un député indépendant, Yassine Ayari, a été arrêté, le 30 juillet pour avoir critiqué l’armée. . . en 2018, rappelle « le Figaro» (1:8). ( Nous sommes pour que Le canard enchaîné puisse avoir le droit de citer des médias et des journaux en Tunisie. Que si [ses] journalistes ne comprennent pas la langue arabe, il existe bel et bien une presse francophone qui, de surcroît, est de bonne qualité. ) Une mise sous les verrous qui a fait réagir l’ONG Human Rights Watch : « Saïd risque d’utiliser ses pouvoirs extraordinaires contre ses opposants. » Interrogé sur ses intentions véritables, Saïed a botté en touche ( expression qui a fini par s’user à force d’être employée jour et nuit et par tous les temps qu’il fasse froid ou qu’il fasse chaud ), citant de Gaulle et assurant qu’il avait passé l’âge d’être un dictateur.

Comme disait l’autre, les promesses n’engagent que ceux qui y croient….(Où voyez-vous des promesses et à qui, il a fait des promesses ? Le Canard a l’imagination bien fertile pour penser que le président lui a promis quelque chose. Décidément le regard colonialiste est incorrigible et persistant ! Vous le chassez par la porte, il revient par la fenêtre !)

Fin de l’article

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